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Le guérisseur et la mort

Le guérisseur et la mort

Titel: Le guérisseur et la mort
Autoren: Caroline Roe
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deux petites collines plus tard, le paysage changea du tout au tout. La route paraissait rétrécir. Daniel comprit très vite que c’était le bas-côté qui était différent. Un terrain rude et rocheux, couvert d’arbres et de broussailles épaisses, s’élevait de manière assez abrupte du côté droit de la route, plus doucement du côté gauche. Soudain, il fit froid et sombre, et le bruit des sabots de la jument se trouva curieusement étouffé. Le vent qui avait soufflé tantôt de l’est et tantôt du nord-est était soudain retombé, comme si l’on avait refermé les volets d’une énorme maison emplie d’arbres.
    Il serra son bâton et regarda de tous côtés dans l’espoir de voir bouger quelque chose. Rien. Dans cette atmosphère oppressante, même les oiseaux se taisaient. De temps à autre, un bruissement attirait son attention. Il se retournait et ne voyait rien.
    C’était le paysage hostile et pentu de droite qui lui semblait le plus sinistre et, sans s’en rendre compte, il dirigea la jument vers le terrain de gauche, plus accueillant.
    Enfin, devant lui, après ce qui lui parut une éternité, le paysage s’éclaircit. Encore une butte et il retrouverait la lumière du soleil. Il reprit son souffle, se rit de ses frayeurs et regarda son cheval, qui s’inquiétait à nouveau de son antérieur gauche.
    — Dis-moi, ça te gêne ? fit-il doucement, et sa monture manifesta son impatience en secouant sa bride.
    Il prit ce geste pour un « oui », lui fit faire halte et se pencha pour dénouer le foulard.
    La jument poussa un hennissement et se dégagea. Au même moment, un objet aussi gros qu’un rocher s’abattit sur les épaules de Daniel et le fit rouler à terre, le souffle coupé, incapable de crier et de bouger.
    Daniel lutta de son mieux contre la chose qui lui écrasait le dos et l’empêchait de respirer. Puis il comprit que la chose en question était vivante. Son agresseur le saisit par les cheveux et lui tira la tête en arrière. Il ébaucha un cri de douleur et de surprise et essaya de se libérer de cette emprise effrayante. Du coin de l’œil, il vit briller la lame d’un couteau. Alors il s’immobilisa.
    — Laisse tomber ta dague ou je te pourfends !
    Les mots résonnèrent, la voix qui les avait proférés paraissait venir de loin. Mais la main lâcha ses cheveux. Sa tête retomba sur la terre durcie de la route, et il perdit toute notion de ce qui se passait.
    Le poids qui lui écrasait le dos se volatilisa et il découvrit qu’il recouvrait la faculté de se mouvoir et de respirer.
    — Daniel, ramassez son couteau et venez m’aider.
    C’était Yusuf, épée à la main, qui tenait en respect un jeune garçon de seize ou dix-sept ans : il avait des boucles dorées, une barbiche rousse et le visage criblé de taches de son. Le pied de Yusuf lui écrasait la poitrine et la pointe de son épée s’enfonçait dans sa gorge.
    Daniel prit le couteau avant de dénouer la ceinture de la tunique du prisonnier.
    — Lions-lui les mains.
    — Pourquoi ne pas le tuer, tout simplement ? demanda Yusuf.
    — Parce que nous avons besoin de lui pour prouver qu’il existe.
     
    Quelques instants plus tard, le garçon avait les bras attachés dans le dos. Daniel avait retrouvé sa jument, affolée de voir quelqu’un tomber d’une branche, juste devant elle. Mais à présent elle paissait au bord de la route.
    — Comment es-tu arrivé ? lui demanda Daniel. Je regardais partout et je ne t’ai pas vu.
    — J’ai grandi en apprenant à me cacher. Cela s’est révélé profitable. Dès qu’il vous a vu vous hasarder sur le côté gauche de la route, il a grimpé dans un arbre pourvu d’une grosse branche en surplomb. Mais vous ne vous trouviez pas exactement où il vous attendait quand il a sauté.
    — C’est parce que la jument l’aura vu avant moi, dit Daniel en hochant la tête.

XX
Tal só com cell que pensa que morrà Je suis celui qui pense qu’il va mourir
    Il y eut une suspension de séance destinée à permettre aux gardes d’aller chercher l’accusé dans sa cellule. Les spectateurs se penchaient les uns vers les autres, échangeaient des opinions, secouaient la tête d’un air sombre en évoquant l’arrogance de cet homme désireux de se défendre seul bien qu’accusé de crimes horribles. En un mot, chacun se drapait dans la cape de l’autosatisfaction.
    En revanche, les membres d’un petit groupe ne paraissaient en rien satisfaits.
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