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Le guérisseur et la mort

Le guérisseur et la mort

Titel: Le guérisseur et la mort
Autoren: Caroline Roe
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Assis dans un coin, loin des autres spectateurs, Tomás, Romeu et Regina étaient venus parler en faveur de Lucà.
    — Papa, pourquoi n’avons-nous pas eu le droit de dire quelque chose ? demanda la jeune fille.
    — Plus tard, certainement, lui répondit Romeu, l’air inquiet. Son Excellence sait comment ce genre de chose doit se dérouler. Il n’est pas question de faire ce qui ne nous est pas permis.
    — Son Excellence ne pense pas à nous ou à Lucà. Son Excellence pense à son déjeuner !
    Regina n’avait pas tout à fait tort, mais elle se montrait quand même injuste à l’égard de Berenguer de Cruilles. Certes, il songeait à son déjeuner, mais c’était en rapport avec l’affaire. Il expliquait au premier juge que si l’on ne pouvait faire venir tous les témoins avant l’heure du repas, moment où l’auditoire se disperserait, ils s’exposaient à de sérieux ennuis.
    — Tu ne dois pas dire des choses comme ça, se fâcha Romeu, inquiet de l’atmosphère qui régnait dans le prétoire.
    — Si, je le dois et je le ferai !
    Regina quitta le banc où elle était assise et, avant même qu’on pût l’arrêter, marcha vers la table où les trois juges continuaient de converser.
    — Pourquoi les témoins à décharge n’ont-ils pas encore déposé, Votre Excellence ? demanda-t-elle. Ce n’est pas justice que de voir les seuls accusateurs s’exprimer. Je vous supplie de laisser parler ceux qui désirent défendre Lucà. Il a droit à un jugement équitable, non ? s’écria-t-elle, les joues empourprées par la colère qui l’aiguillonnait.
    — Ma fille, lui répondit calmement Berenguer, nous souhaitons commencer par entendre Lucà. Car ce qu’il a dit jusqu’à présent ne peut en rien l’aider, ajouta-t-il à voix basse, c’est pourquoi je ne veux pas le laisser parler en dernier. Ensuite, reprit-il sur un ton plus normal, et en toute justice, nous donnerons la parole à ceux qui désirent parler en sa faveur, ce qui est votre cas. Je vous le promets, ma fille, vous serez entendue. À présent, regagnez votre place, car je vois que le prisonnier va faire son entrée.
    En effet, Lucà pénétrait dans le prétoire. Il lança un regard étonné et malheureux à Regina puis il s’inclina devant les juges.
    — Voulez-vous ajouter quoi que ce soit à la déposition que vous avez faite et signée ? lui demanda le premier juge.
    — Si je savais quoi lui adjoindre, je le ferais volontiers, dit Lucà, mais je n’ai aucune autre information.
    — La cour a quelques questions à vous poser, dit le juge en consultant le document qui se trouvait devant lui. En quoi les réponses à ses questions peuvent vous aider, nous l’ignorons, mais elles devraient contribuer à mieux cerner la vérité.
    Après avoir prononcé cette homélie à la gloire de la loi, il adressa un signe de tête au troisième juge, lequel considérait d’un air inquiet les papiers dont il disposait.
    La raison de son souci était la suivante : pour une raison qu’il ne comprenait pas, ce cas semblait d’une grande importance pour Son Excellence. Il était donc prêt à accorder à ce guérisseur – quels que fussent son passé et ses titres – autant d’attention qu’à un noble. Ce qu’il ne comprenait pas, c’étaient les questions que Son Excellence désirait lui voir poser et qui, selon lui, n’avaient pas d’incidence directe sur l’affaire jugée ce jour-là.
    — Pourriez-vous expliquer pourquoi vous êtes arrivé dans la ville de Gérone en disant que vous étiez un parent de maître Mordecai ? J’ai cru comprendre que c’était faux.
    — En effet, monseigneur, dit Lucà, ce n’était pas la vérité. Et il était non seulement faux, mais stupide, de le proclamer. J’ai fait cela parce que j’espérais trouver davantage de travail en tant qu’herboriste : j’attendais que maître Mordecai me présente à des gens susceptibles de m’employer.
    — Votre raison d’agir n’est pas admirable, dit le troisième juge, mais elle est compréhensible. Comment en êtes-vous venu à jeter votre dévolu sur maître Mordecai plutôt que sur n’importe quel autre homme aisé de cette ville ?
    — Je connaissais Rubèn, monseigneur. Le vrai fils de Faneta. À Majorque, il était seul et malheureux, et il venait souvent dans l’atelier où j’étais apprenti…
    — Auprès d’un herboriste ? demanda le premier juge.
    — Non, monseigneur, dit Lucà qui devint écarlate.
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