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Le Glaive Et Les Amours

Le Glaive Et Les Amours

Titel: Le Glaive Et Les Amours
Autoren: Robert Merle
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Palais appelé le Hradčany, et
de là vous verrez le Pont Charles, unique au monde.
    — En quoi est-il si remarquable ?
    — Construit pour franchir la Vtlava, ses rambardes
comportent de dextre et de senestre des niches semi-circulaires en surplomb sur
le fleuve, et là, les statues de saints, grandeur naturelle, forment des
groupes très vivants dont les muettes prières devraient protéger, j’imagine,
outre la Vtlava, le Hradčany. Hélas, belle lectrice, pour ce qui regarde
le Hradčany, ces muettes oraisons des saints de pierre s’avérèrent vaines,
car dans ses murs se déroula le vingt-trois mai 1618 un événement tragique qui
fut à l’origine de la guerre de Trente Ans et qu’on appela la défenestration de
Prague.
    — Le mot « défenestration » me paraît quelque
peu étrange. Est-ce bien du français ?
    — Assurément.
    — Et que veut dire le mot ?
    — De toute évidence, qu’on jette quelqu’un par la
fenêtre.
    — Mais c’est horrible !
    — En effet, et c’est pourtant ce qui se passa. Le
vingt-trois mai 1618 se tenait au Palais du Hradčany une séance du Conseil
de lieutenance, lequel, nommé par l’empereur d’Allemagne, devait discuter les
mesures répressives à l’encontre des hérétiques. Au milieu de la séance, une
centaine de gentilshommes tchèques, tous protestants, envahirent à l’improviste
la grande salle du Hradčany et s’emparèrent de deux comtes, membres du
Conseil, et d’un jeune secrétaire qui les servait. Ceci fait, ils les jetèrent
tous trois par les fenêtres.
    — Dieu du Ciel ! Quelle abomination !
Furent-ils tous les trois tués ?
    — Nullement. À dire vrai, un des comtes fut assez
cruellement blessé en tombant sur les dalles du chemin. Mais l’autre comte
ainsi que le jeune secrétaire churent sur un tas de fumier qui n’eût pas dû se
trouver là. Ils ne se firent aucun mal. « Providence ! »
s’écrièrent les catholiques, signe éclatant de la protection divine !
Tandis que les protestants estimaient que le fumier était le lit qui convenait
le mieux aux papistes, leur Église étant déjà corrompue par de si puants abus.
    « Après ce coup de force, les Tchèques, redoutant l’ire
de l’empereur, levèrent une armée de mercenaires et en confièrent le
commandement à l’Électeur palatin Frédéric V. Mais les mercenaires se
révélèrent médiocres, et inepte leur chef. Ils furent cruellement défaits à la
bataille de la Montagne Blanche par les Impériaux et plus cruelles encore
furent les représailles qui suivirent. C’est ainsi, m’amie, que commença la
guerre de Trente Ans. Mais je n’en dirai pas plus ce jour d’hui, noulant
anticiper sur les événements.
    — Monsieur, je vous remercie d’avoir éclairé mes
lanternes et d’avoir rendu clair dans mon esprit ce qui était resté confus.
J’aimerais, si vous me permettez, vous poser maintenant deux petites questions
grandement indiscrètes.
    — Posez, Madame. En mes réponses je serai discret pour
deux.
    — Les pimpésouées de cour vous trouvent extravagant
d’être amoureux de la princesse de Guéméné, maugré qu’elle ait passé trente
ans.
    — Je ne suis pas amoureux de la princesse de Guéméné,
mais j’ai pour elle de l’affection, ce que, d’évidence, nos pimpésouées ne
peuvent entendre.
    — Quant à ma deuxième question, je n’ose la poser tant
elle me paraît monstrueuse.
    — M’amie, qui eût cru que vous fussiez devenue tout
soudain si timide ? Posez, posez votre question, je vous prie.
    — Les pimpésouées racontent encore que, vous surprenant
à écrire une longue lettre à Madame de Guéméné, Madame la duchesse d’Orbieu
déversa votre encrier sur sa missive.
    — C’est entièrement faux. Jamais Catherine ne se serait
laissée aller à un geste aussi messéant.
    — Monsieur, il me revient une question au sujet de la
guerre de Trente Ans. Pourquoi, depuis la défaite de la rébellion tchèque, la
guerre se poursuivit-elle ?
    — Du fait du fanatisme religieux de l’empereur
Ferdinand et de ses tentatives ouvertes, ou sournoises, pour établir son
hégémonie en Allemagne. Il dressa non seulement contre lui les princes
allemands, mais aussi le Danemark et la Suède, lesquels, avec des fortunes
diverses, osèrent tour à tour l’affronter. Ferdinand y perdit prou, en pécunes
et en prestige.
    Cependant, ses alliés, les Espagnols des Pays-Bas, forts de
cette infanterie fameuse que même
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