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Le Glaive Et Les Amours

Le Glaive Et Les Amours

Titel: Le Glaive Et Les Amours
Autoren: Robert Merle
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jusqu’aux larmes en imitant les babils de nos pimpésouées de cour. Ce
qu’il faisait en prenant comme elles une voix de tête avec des grâces et des
petites mines que n’eussent pas reniées nos précieuses.
    C’est seulement le dîner fini, quand nous fumes retirés dans
le petit salon pour y parler au bec à bec, que Fogacer se découvrit. Il me posa sotto voce [2] quelques questions
sans me cacher le moindrement qu’il en ferait connaître les réponses au nonce
apostolique, lequel, par courrier épiscopal, les ferait tenir au pape. Il va
sans dire que je fusse demeuré l’oreille sourde et la langue muette, si ces
confidences n’avaient pas été autorisées par Richelieu, lequel, au préalable,
avait pris soin de me préciser les limites de ma franchise.
    — Mon cher duc, dit Fogacer, puisque vous allâtes en
grand secret à Bruxelles pour remettre à Gaston le passeport du roi, vous avez
dû voir les favoris qui l’entourent.
    — Eh bien, mon cher Fogacer, que voulez-vous savoir
d’eux ?
    — Leur nombre et leurs noms.
    — Ils sont six et le principal se nomme Puylaurens. Il
y en a d’autres, mais de grâce ne surmenez pas vos mérangeoises à tâcher de
retenir tous ces noms. Je vous les jetterai sur le papier avant que vous ne
départiez.
    — La grand merci. Et qui sont ces gens-là ?
    — Vous voulez dire de leur naturel ?
    — Oui-da.
    — Taillés, me semble-t-il, sur le même modèle que leur
maître : indolents, commençant tout et ne finissant rien, et en définitive
dansant comme des bouchons à la surface de la vie.
    — On répète, céans, qu’ils sont les mauvais génies de
Gaston et ne lui donnent que de mauvais conseils.
    — Oh, pour cela, il se les donne bien tout seul !
Disons que ses favoris renchérissaient sur eux.
    — On dit que Richelieu va faire de Puylaurens un duc.
N’est-ce pas un paradoxe ?
    — Il l’a fait déjà. Il ne va pas tarder à le défaire.
Richelieu espérait que Puylaurens, comblé de ses faveurs, déciderait Gaston à
se démarier. En quoi Richelieu, tout grand génie qu’il soit, s’est trompé.
Étant lui-même si hostile au gentil sesso , il ne peut entendre, ni même
concevoir, à quel point un homme peut être attaché à une femme. Et c’est bien
ainsi qu’il en fut de Gaston.
    — Donc Puylaurens échouera dans sa mission.
    — Si tant est même qu’il s’y essaie.
    — Et que fera alors Richelieu ?
    — Mais, bien entendu, il le cassera.
    — Pouvez-vous me dire un mot sur l’humeur du roi ?
    — Comme tous ceux dont la vertu est solide et même un
peu rigide, Louis est déçu par la conduite de ses sujets et, désespérant de les
changer, il tombe assez souvent dans la mélancolie. Il a été très déçu que sa
campagne pour modérer le luxe des vêtures à la Cour ait si évidemment échoué.
D’autre part, conscient que la guerre était proche, il a convoqué le ban et
l’arrière-ban de sa noblesse, et l’appel, hélas, a encontré peu de succès, nos
beaux gentilshommes des campagnes françaises préférant les aises et les loisirs
de la vie domestique au périlleux métier des armes. Le roi fut fort déçu par
leur abstention, se plaignit amèrement de la « légèreté » des
Français, et dans son ire alla même jusqu’à me dire qu’il enlèverait à ces
nobles la noblesse qu’ils ne méritaient plus.
    — Le fera-t-il ? dit Fogacer en levant les
sourcils.
    — Nenni. Comment oserait-il annuler un titre donné par
les souverains qui l’ont précédé sur le trône de France, se peut même par son
propre père ?
    « Autre déception pour notre pauvre roi. Il vient
d’apprendre qu’en dépit d’un édit qui lui tient à cœur et qu’il rappelle tous
les ans, un de ses mousquetaires a tué en duel un nommé Daubigny. Sans tant
languir, ledit mousquetaire ainsi que les seconds furent serrés en
geôle.
    — Leur coupera-t-on la tête ?
    — C’est peu probable. Le roi se contentera pour les seconds d’un séjour à la Bastille. En revanche le mousquetaire sera chassé du corps
d’élite auquel il appartient.
    — Monseigneur, reprit Fogacer, quel est à’steure, et à
votre sentiment, le souci majeur de Louis ?
    — Les Impériaux [3] et la frontière de l’Est, et aussi, bien entendu, la frontière du Nord. Raison
pour laquelle Louis a quasiment annexé la Lorraine et, sur la prière des
Alsaciens, occupé et fortifié leurs villes. Poussant plus loin les choses,
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