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Le Glaive Et Les Amours

Le Glaive Et Les Amours

Titel: Le Glaive Et Les Amours
Autoren: Robert Merle
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il
s’empara de Spire, ville impériale depuis 1294.
    — Et l’empereur ne réagit pas ?
    — L’empereur attend son heure.
    — Est-ce que Spire a pour Louis une importance
stratégique si grande ?
    — Assurément. Grâce à Spire il n’aurait qu’à passer le
Rhin pour pénétrer en Allemagne.
    — Mon cher duc, dit Fogacer, j’ai encore une question à
vous poser, c’est la dernière, mais se peut la plus délicate : où en sont
les amours de Louis avec Mademoiselle de Hautefort ?
    — Si j’inclinais à la raillerie, je vous dirais qu’il
l’aime comme un ange du ciel. Mais dauber le roi à ce sujet, comme font les
pimpésouées de cour, ne me convient pas du tout. Voici ce qu’il en est. Il aime
cette fille comme un ange du ciel et ne la touche jamais. C’est à peine s’il
ose, quand il converse avec elle, s’approcher d’elle d’une demi-toise.
Pourtant, il l’aime de grande amour ! Lui qui a toujours déprisé le luxe,
raillé le train de vie magnifique du cardinal, fait de son mieux pour modérer les
dépenses somptuaires des courtisans, il se vêt maintenant avec la dernière
élégance, sans épargner pécunes. Il visite sa belle tous les jours que Dieu
fait. Il se pique de jalousie quand de hauts seigneurs courtisent Mademoiselle
de Hautefort. Il demande à des poètes de célébrer sa beauté, et chose
extraordinaire, il est si énamouré d’elle qu’il en oublie sa passion de jadis
et de toujours : il a quasiment abandonné la chasse depuis que « la
fille » est entrée dans sa vie.
    — Mon cher duc, vous dites « la
fille » ? N’est-ce pas irrespectueux ?
    — Pas du tout. C’est ainsi que Louis la nomme, et dans
son esprit cela veut dire qu’il n’y a qu’une fille au monde et c’est elle.
Hier, le voyant fort déquiété, j’osai lui en demander la raison. Question qui
m’eût valu d’ordinaire un silence glacial, mais pas du tout. « Ah, Sioac  !
dit-il, comme heureux de se confier. Me voilà très à la peine : la fille
est mal allante. »
    — Duc, dit Fogacer, pourriez-vous m’éclairer d’un
doute ? À la Cour, parcourant les groupes et les rangs, j’entends les
courtisans répéter à satiété, en riant comme fols, une nouvelle scie.
    — Par exemple ?
    — L’un dit : « Comment et comment le
prends-tu ? » et l’autre répond : « Avec des pincettes
comme Louis », et tous de rire alors à gueule bec.
    — Cela ne m’étonne pas : la bêtise et la
méchantise sont les deux mamelles de la Cour. Une question pourtant. Si je vous
éclaire, mon cher chanoine, à qui allez-vous répéter l’histoire ?
    — Mais au nonce !
    — De grâce, au nonce seul !
    — Je vous le promets.
    Voici comment la chose se passa. Avant la disgrâce de la
reine-mère, comme je l’ai dit déjà je crois, Marie de Hautefort a été sa fille
d’honneur. La beauté lui attirait beaucoup d’hommages, et maints gentilshommes
lui envoyaient des billets énamourés. Et Louis, allant présenter à sa mère ses
hommages matinaux, trouva « la fille » en train de lire un de ces
petits mots et lui demanda de le lui remettre. Mais la belle était altière,
refusa tout à trac et glissa le billet dans son corsage. Outrée de ce refus, la
reine-mère emprisonna ses deux mains et dit à son fils :
    — Je tiens la pécore. Prenez donc de votre main ce mot
qu’elle vous veut cacher.
    L’embarras de Louis fut cruel tant il lui paraissait
indécent de plonger le doigt dans le décolleté d’une fille. Il ne sut s’y
résoudre et dans sa mésaise s’avisa de saisir des pincettes d’argent qui se
trouvaient sur la table et tâcha avec elles de saisir le papier si
douillettement caché. Mais en vain, car il eût fallu le voir mettre les
pincettes, et Louis n’y put s’y résoudre. Et comme Marie poussait des cris
d’orfraie et accusait Louis de lui meurtrir les tétins, de guerre lasse Louis
retira les pincettes, les jeta rageusement sur la table et se retira à pas
rapides.
    À ce moment on toqua à l’huis. Je donnai aussitôt l’entrant.
Catherine apparut et dit :
    — Messieurs, j’aimerais que vous admettiez ma présence
céans, si du moins vous ne parlez plus des affaires du royaume.
    — Mon cher chanoine, dis-je, avons-nous fini ?
    — En effet, dit Fogacer. Nous parlons de Mademoiselle
de Hautefort et de l’amour que le roi a conçu pour elle depuis des années.
    — Est-elle donc si belle ? demanda Catherine,
mi-figue
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