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Le Glaive Et Les Amours

Le Glaive Et Les Amours

Titel: Le Glaive Et Les Amours
Autoren: Robert Merle
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mi-raisin.
    J’hésitai : banale était la question, mais périlleuse
la réponse. Avec sa finesse coutumière, Fogacer répondit à ma place.
    — Elle est blonde, avec de beaux yeux bleus, de belles
dents, l’incarnat de son âge et elle a dix-huit ans.
    La louange était minimale à souhait, et le dix-huit ans
quasiment dédaigneux.
    — Mais, dit Catherine, de quoi diantre parlent-ils
quand ils s’entretiennent plantés à une demi-toise l’un de l’autre ?
    — Mais voyons, dit Fogacer, avec son long et sinueux
sourire, de quoi le roi peut-il parler, sinon de chiens, de chevaux et de
chasse.
    — Et elle, que dit-elle ?
    — Mais rien. Elle ouvre grands ses yeux bleus, elle
regarde Louis et l’écoute.
    — Et que dit le cardinal de l’amour de cette
« fille », comme vous l’appelez ?
    — Il fut de prime fort hérissé, mais les parents de
Mademoiselle de Hautefort n’étant hostiles ni à sa personne ni à sa politique,
petit à petit il se rassura.
    — Monsieur, un mot de grâce !
    — Serait-ce vous, belle lectrice ?
    — C’est moi.
    — J’en suis ravi, tant j’apprécie votre présence et la
pertinence de vos questions. M’amie, questionnez à loisir, mais dites-moi de
prime si vous vous adressez céans au duc d’Orbieu ou à son chroniqueur.
    — À son chroniqueur.
    — J’en suis heureux. Car à supposer que vous demandiez
au duc d’Orbieu si cette guerre qui va s’abattre sur la France ne serait pas,
d’aventure, une suite de la guerre de Trente Ans, il ne pourrait pas vous
répondre. En effet, nous sommes en 1635, et le duc, n’étant pas devin, ne peut
pas prévoir que cette guerre qui débuta en 1618 ne prendra fin qu’en 1648.
    — La grand merci. Deuxième question, Monsieur, s’il
vous plaît : que sont ces « Impériaux » qui menacent notre
frontière de l’Est et contre lesquels Louis s’est fortifié en conquérant la
Lorraine, en occupant l’Alsace, et en dernier lieu Spire ? Ces
« Impériaux », sont-ils les sujets de l’Allemagne ?
    — M’amie, l’Allemagne, en 1635, n’existe pas encore en
tant qu’Empire. C’est une mosaïque de trois cents principautés, les unes
grandes, les autres petites, gouvernées par des princes, des ducs, des
margraves, et des burgraves.
    — Des burgraves ? Comme dans la pièce de Victor
Hugo ?
    — Dont je ne sais si elle est bien historique, car Hugo
a imaginé un burgrave de cent vingt ans, son fils âgé de cent ans et son
petit-fils âgé de quatre-vingts ans, et quand ce blanc-bec de quatre-vingts ans
ose déclore le bec, le grand-père le rabroue en ces termes :
« Taisez-vous, jeune homme ! » On trouve aussi en Allemagne des
villes libres et des villes impériales.
    — Mais vous m’avez dit que l’Allemagne n’était pas en
1635 un Empire.
    — En effet, l’empereur est un Habsbourg. C’est un Autrichien,
parent et allié naturel du roi d’Espagne. Et comme lui, l’empereur
Ferdinand II est un farouche adversaire des huguenots.
    — Farouche ?
    — Farouche et même féroce. Il déclara un jour qu’il
préférerait « régner sur un désert plutôt que sur des hérétiques ».
Ne vous semble-t-il pas qu’un désir d’extermination sourd de ces affreuses
paroles ?
    — Monsieur, vous avez dit que Spire est une ville
impériale. Qu’est-ce que cela veut dire ? Qu’est-ce donc en Allemagne
qu’une ville impériale puisque l’Empire est en Autriche ?
    — Une ville impériale est une ville libre sur laquelle
l’empereur a jeté son dévolu, tant est que, la force aidant, elle est devenue
sienne.
    — Ferdinand II est donc un de ces princes qui ne
rêvent que de s’agrandir aux dépens de ses voisins ?
    — … En attendant d’établir en Europe, avec le concours
de l’Espagne, une monarchie universelle sous le prétexte, il va sans dire, de
servir le Seigneur en éradiquant les protestants jusqu’au dernier. Hélas !
la persécution a déjà commencé dans le royaume de Bohême, lequel Ferdinand a
placé sous sa coupe.
    — La Bohême ! Quel nom évocateur !
    — Mais trompeur aussi, car la Bohême dont je parle a
pour capitale Prague et pour sujets les Tchèques. Prague est, du reste, une des
villes les plus attachantes d’Europe.
    — Attachante comment ?
    — Elle comporte, comme Sarlat en France, un quartier, la
Mala Strana, fait de maisons anciennes de grande beauté ! Et si vous
l’empruntez, vous déboucherez sur l’imposant
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