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Le Fils de Pardaillan

Titel: Le Fils de Pardaillan
Autoren: Michel Zévaco
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haut, d’un ton brusque, mais singulièrement radouci :
    – As-tu besoin d’argent ?…
    – Non !… c’est-à-dire… donne toujours, fit Saêtta, en empochant la bourse rebondie que le jeune homme glissait dans sa main.
    Jehan s’éloignait, l’air rêveur.
    Saêtta dardait sur son dos un regard terrible et grinçait :
    – Demain matin !… Il sera trop tard !… Pardaillan ne pourra rien contre toi… parce que tu appartiendras au bourreau…
    Il parut s’abîmer dans des réflexions profondes et il grommelait :
    – Le laisser tuer par Pardaillan ?… Oui… à la rigueur… Mais j’ai mieux que cela… Va, fils de Fausta, fils de Pardaillan, va, cours à l’abîme que j’ai creusé sous tes pas !… L’heure de la vengeance a enfin sonné pour moi !
    Et s’enveloppant dans son manteau, de son pas souple et cadencé, il se dirigea vers le Louvre.
    q

Chapitre 3
    L a cour est dans le marasme. Le roi ne dort plus… Le roi ne mange plus… Le roi, si débordant de vie, ne traite plus les affaires de l’Etat avec ses ministres. Il fuit la société de ses intimes, il s’enferme des heures durant dans sa petite chambre à coucher du premier…
    Le roi est malade : de qui est-il donc amoureux ?
    Voilà ce que disent les courtisans ordinaires.
    Voici maintenant ce que savent et gardent pour eux cinq ou six intimes de Sa Majesté :
    Le roi a vu une jeune fille de seize ans à peine. Et il a éprouvé le coup de foudre.
    Comme toujours, chez lui, ce nouvel amour a altéré son humeur et sa santé. D’autant plus profondément que, chose inouïe, et qui prouve combien cette fois-ci il est bien assassiné d’amour, lui, si entreprenant et si expéditif en pareille occurrence, devenu plus timide que le plus timide des jouvenceaux, il n’a pas osé « déclarer sa flamme ».
    Et tous les soirs, sous des déguisements divers, le roi s’en va rue de l’Arbre-Sec soupirer sous le balcon de sa belle…
    Les confidents du roi se sont empressés d’aller rôder autour du logis de celle qui peut devenir la grande favorite…
    Tout ce qu’ils ont appris, c’est que la jeune fille est couramment désignée sous le nom de « demoiselle Bertille ». Demoiselle Bertille ne sort jamais, si ce n’est le dimanche, pour aller assister à la messe à la chapelle des Cinq-Plaies. Alors elle est accompagnée par sa propriétaire, respectable matrone qui répond au nom de dame Colline Colle. Quelques-uns cependant ont pu apercevoir demoiselle Bertille. Ceux-là sont revenus enthousiasmés de son idéale beauté.
    L’après-midi de ce jour où se sont déroulés les différents incidents que nous venons de narrer, le roi était dans sa petite chambre. Il était assis sur sa chaise basse, et du bout des doigts il tambourinait machinalement sur l’étui de ces lunettes. De temps en temps, il poussait un soupir lamentable et gémissait :
    – Que fait donc La Varenne ?
    Et il reprenait le cours de ses pensées :
    – Jamais femme ne m’a produit l’effet que me produit cette jeune fille !… Bertille !… Le joli nom, si clair, si frétillant !… Bertille !… Jarnidieu ! d’où vient donc que je suis troublé à ce point ? Est-ce la candeur, l’innocence de cette jeune fille ?… Je ne me reconnais plus !… Ce cuistre de La Varenne ne viendra donc pas !…
    Brusquement Henri IV frappa ses deux cuisses et se leva en murmurant :
    – J’ai beau chercher, je ne trouve pas… qui donc ce doux visage me rappelle-t-il ? Qui donc ?… Voyons, parmi les belles que j’ai eues autrefois, cherchons…
    Il fit plusieurs fois le tour de la chambre, de ce pas accéléré qui faisait le désespoir du vieux Sully, obligé de le suivre quand il expédiait les affaires avec lui, et tout à coup :
    – Ventre-saint-gris ! J’ai trouvé !… Saugis !…
    L’air rêveur, il revint s’asseoir sur sa chaise et poursuivit :
    – C’est à la demoiselle de Saugis que ressemble mon doux cœur de Bertille… Saugis !… Heu ! c’est bien loin cela !… Ma conduite ne fut peut-être pas très nette vis-à-vis de cette demoiselle… Dieu me pardonne, je crois que je l’ai quelque peu violentée… J’avais sans doute trop bien soupé ce jour-là !… Hé ! mais, j’y songe… C’est curieux comme les souvenirs se lèvent nombreux et précis quand on fouille sérieusement le passé. Cette pauvre Saugis, je crois bien qu’elle est morte en donnant le jour à un enfant qui aurait
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