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Le Fardeau de Lucifer

Le Fardeau de Lucifer

Titel: Le Fardeau de Lucifer
Autoren: Hervé Gagnon
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Qu’il me donnait une chance. Pour la saisir, il y avait un prix à payer. Cela aussi, je devais y consentir.
    Une heure plus tard, j’étais sur la place, près du châtelet de Foix, et malgré mes côtes encore sensibles, je me joignais à l’entraînement. Le premier à m’apercevoir fut Roger Bernard. Il était en pause et buvait une louche d’eau près d’une citerne lorsqu’il me vit. Il se contenta de hocher légèrement la tête pour reconnaître ma présence, mais je compris à ce simple geste qu’il était heureux de me voir. Peut-être même qu’il s’y était attendu. Ugolin, lui, ne fut pas si réservé. Dès qu’il m’aperçut, son visage s’éclaira de ce large sourire qui trahissait à la fois sa joie et son soulagement. Il était habitué à mes absences ponctuelles et inexpliquées, certes, mais son plaisir de me revoir ne se démentait jamais. Il planta là son partenaire pantois et se précipita vers moi.
    Tout naturellement, il se mit en garde et nous nous entraînâmes avec enthousiasme.
    Avec Ugolin et les autres soldats, je retrouvai un peu de joie de vivre. Je devais à Bertrand de Montbard cette capacité de sublimer les tourments les plus graves au contact des armes. Les mouvements répétitifs de l’entraînement, la concentration qu’ils exigeaient, le rythme particulier et presque hypnotique du combat, le plaisir viril de l’exercice avec un adversaire déterminé, tout cela avait la propriété de vider l’esprit et de ramener à l’essentiel. Après quelques heures d’effort intense, je me sentais à nouveau moi-même.
    Roger Bernard me rejoignit près de la citerne et, en nage comme moi, s’abreuva en m’adressant un sourire franc.
    —    Prêt à affronter la vieille carne ? demanda-t-il.
    —    Ai-je vraiment le choix ? grognai-je.
    —    Alors viens, on nous attend.
    Nous nous mîmes en route.
    —    Ainsi, tu as décidé de rester ? s’enquit-il.
    —    Comme tu vois.
    —    Cécile en sera heureuse.
    —    Tu n’as pas l’air très surpris.
    —    Nullement.
    Nous arrivâmes en vue du châtelet de Foix.
    —    La rencontre ne se tient pas chez le visage à deux faces ? constatai-je.
    —    Mon père a pensé que tu préférerais ne pas y remettre les pieds.
    —    Délicate attention !
    Nous entrâmes et nous dirigeâmes vers la salle où nous avions planifié nos sorties nocturnes contre les troupes de Montfort en juin. La porte était close et des voix au ton acerbe nous parvenaient depuis l’autre côté. Je m’arrêtai, hésitant.
    —    Je ne peux pas te promettre de ne pas le tuer, dis-je, mi-figue, mi-raisin.
    —    Si l’envie te prend, je te retiendrai, ricana Roger Bernard. Si tu me promets d’en faire autant pour moi.
    —    J’essaierai.
    Il poussa la porte et nous entrâmes. Aussitôt, un silence sépulcral tomba. À une extrémité de la longue table, près de l’entrée, était assis Raymond Roger, arborant le visage crispé de celui qu’on forçait à boire du vinaigre. Il n’ignorait pas, évidemment, ce que son allié du moment avait fait subir à sa fille et, en d’autres circonstances, je ne doutais pas qu’il le lui aurait fait chèrement payer. À l’autre bout, au fond, se trouvait le comte de Toulouse, qui ne semblait pas plus heureux d’être là, mais qui, sa récente humiliation passée, avait retrouvé son air arrogant. Les deux comtes se guettaient comme chien et chat. En demi-cercle autour de Foix étaient disposés ses principaux officiers, avec lesquels j’avais combattu, et tous me saluèrent de la tête. L’autre moitié de la table était occupée par ceux du vieux rat, que je ne connaissais pas et qui me toisèrent avec hauteur.
    Roger Bernard était entré le premier et il fallut un moment au comte de Toulouse pour réaliser que j’étais là. L’animal posa sur moi un regard où scintillait l’amusement et m’adressa un petit sourire narquois. Aussitôt, mes bonnes résolutions se dispersèrent comme fumée au vent et je vis rouge. D’un geste vif, je tirai ma dague de ma ceinture, la fis pivoter dans les airs, la rattrapai par la pointe et la lançai vers lui. Elle se ficha dans le mur, à quelques cheveux de son oreille gauche. J’eus le plaisir de voir son sourire s’effacer et son visage blanchir de quelques tons, malgré l’effort évident qu’il faisait pour garder sa contenance.
    Ses hommes se levèrent d’un trait et tirèrent leur
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