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Le Dernier Caton

Le Dernier Caton

Titel: Le Dernier Caton
Autoren: Matilde Asensi
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observaient aussi la scène avec curiosité, se trouvaient le cardinal vicaire de Rome et président de la Conférence épiscopale italienne, Carlo Colli, un homme tranquille d’apparence affable ; l’archevêque François Tournier, que je reconnus à sa calotte violette ; et le silencieux guerrier blond, qui avait les sourcils froncés comme si cette situation le décevait profondément.
    Soudain, le père Ramondino se souvint de moi et, me tirant par l’épaule, m’entraîna jusqu’à sa hauteur, face au secrétaire d’État.
    — Voici Ottavia Salina, Votre Éminence, dit-il en guise de présentation.
    Sodano m’examina rapidement de haut en bas. Heureusement, ce jour-là je m’étais habillée avec soin d’une jolie jupe grise et d’un ensemble en jersey couleur saumon. Dans les trente-huit ans, devait-il se dire, bien portés, un visage agréable, des cheveux bruns coupés court, de taille moyenne.
    — Votre Éminence…, dis-je en faisant une génuflexion, la tête baissée.
    En signe de respect, je baisai l’anneau qu’il me présentait.
    — Vous êtes dans les ordres ? me demanda-t-il de but en blanc avec un léger accent du Piémont.
    — Sœur Ottavia, se dépêcha d’éclaircir le père Ramondino, est membre de l’ordre de la Bienheureuse Vierge Marie.
    — Et pourquoi ne porte-t-elle pas l’habit ? voulut savoir François Tournier qui n’avait pas quitté son siège. Votre ordre n’en possède-t-il pas ?
    Le ton était clairement agressif mais je n’allais pas me laisser intimider. Je m’étais déjà souvent retrouvée dans ce genre de situation, et j’étais préparée à ce type d’attaques bien masculines. Je le regardai droit dans les yeux pour lui répondre :
    — Non, Monseigneur. Mon ordre a abandonné l’habit après le concile Vatican II.
    — Ah ! bien sûr, le concile…, répéta monseigneur Tournier d’un air de profond mépris.
    C’était un homme de belle allure, par son aspect un excellent candidat au poste de prince de l’Église, un de ces petits-maîtres qui ressortent magnifiquement sur la photo.
    — « Est-il bon que la femme prie Dieu la tête découverte ? » dit-il en citant la Première Épître de Paul aux Corinthiens.
    — Sœur Ottavia, déclara alors le père Ramondino, est diplômée en paléographie et en histoire de l’art, et possède de nombreux autres titres académiques. Elle dirige depuis huit ans le laboratoire de restauration des Archives du Vatican ; elle enseigne à l’École vaticane de paléographie, de diplomatie et des archives, et a obtenu de nombreux prix internationaux pour ses recherches, entre autres le prix Getty, Monseigneur, à deux reprises, en 1992 et 1995.
    — Ah ! s’exclama monseigneur Sodano, enfin convaincu, alors qu’il s’asseyait sans protocole près de Tournier. Bien… C’est précisément pour cela que vous êtes ici, ma sœur, et que nous vous avons demandé d’assister à cette réunion.
    Ils me regardaient tous avec une curiosité évidente, mais je gardai le silence pour éviter que l’archevêque ne cite en mon honneur ce passage de saint Paul : « Que les femmes se taisent dans les assemblées, il ne leur est pas permis de prendre la parole. » Je devinai que monseigneur Tournier – ainsi que le reste de l’assistance – aurait largement préféré une de ses propres religieuses servantes, qu’il devait avoir en trois ou quatre exemplaires au moins, ces petites nonnes polonaises de l’ordre de l’Enfant de Marie qui, vêtues de leur habit et portant une coiffe blanche, s’occupaient de préparer les repas, de nettoyer les appartements et de prendre soin de la garde-robe. Ou les filles de la congrégation des Pieuses Disciples du Divin Maître, qui exerçaient les fonctions de standardiste au Vatican.
    — Maintenant, continua le cardinal Sodano, monseigneur Tournier va vous expliquer pour quelle raison nous vous avons convoquée, ma sœur. Viens ici, Guglielmo, dit-il en s’adressant à son ami, assieds-toi à côté de moi. Monseigneur, je vous cède la parole.
    Ce dernier, avec la certitude de ceux qui savent que leur aspect physique aplanira pour eux tous les obstacles qui pourraient se présenter sur le chemin de la vie, se leva d’un air serein et tendit une main, sans le regarder, vers le militaire blond qui lui remit, discipliné, un épais dossier noir. Cette vision me fit craindre le pire : quoi que j’aie pu commettre, cela avait dû être
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