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Le Chevalier d'Eon

Le Chevalier d'Eon

Titel: Le Chevalier d'Eon
Autoren: Evelyne Lever
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lesquels le comte de Guerchy avait fait imprimer plusieurs libelles attaquant le chevalier, ce qui était vrai.
    En apprenant qu’il allait être traduit en justice devant le Grand Jury de Londres pour tentative de meurtre, Guerchy sentit le sol se dérober sous ses pieds. Il supplia toutes les hautes relations qu’il avait dans la capitale pour essayer d’éviter ce déshonneur. Mais la procédure était entamée et rien ne pouvait l’arrêter.
    Le Grand Jury qui avait à le juger était essentiellement composé de bourgeois qui voyaient dans le chevalier d’Éon un personnage populaire reconnu comme citoyen de Londres et qui, en tant que tel, invoquait les libertés britanniques. Il passait pour une victime du roi de France, souverain d’une puissance ennemie en dépit de la signature de la paix. Juger son représentant coupable d’intentions criminelles était une aubaine pour ce tribunal. Le 1 er mars 1765, il prononça contre l’ambassadeur de France un indictment, autrement dit un acte d’accusation. Il déclarait que « Claude Louis François Regnier, comte de Guerchy, étant homme d’un esprit cruel, n’ayant pas la crainte de Dieu devant les yeux, mais suivant l’instigation de Satan ayant conçu la malice la plus noire contre Charles Geneviève Louis Auguste André Timothée d’Éon de Beaumont et sans respecter les lois de ce royaume aurait, le 31 octobre 1763... méchamment, illégalement et malicieusement sollicité et tâché de persuader et de décider le nommé Vergy à assassiner le susdit Charles Geneviève Louis Auguste André Timothée d’Éon de Beaumont...   » De ce fait, le comte de Guerchy allait être arrêté et emprisonné avant le début d’un procès qui s’annonçait retentissant.
    La situation était incroyable. L’ancien ministre plénipotentiaire du roi de France était parvenu à convaincre les tribunaux britanniques que l’ambassadeur du roi était coupable de préméditation de meurtre à son endroit. Le comte de Guerchy était anéanti, le cabinet britannique embarrassé, les ministres français exaspérés, Louis XV surpris et d’Éon triomphant. Le petit Tonnerrois, par sa folie, tenait tête au monde entier, persuadé désormais que l’avenir des relations franco-britanniques reposaient entre ses mains, ses révélations après le procès pouvant créer un véritable casus belli.
    À Versailles on s’interrogeait sur le sort réservé au comte de Guerchy. Le philosophe David Hume alors en voyage en France, était l’invité chéri de tous les salons. On le questionnait comme un oracle. Sans pouvoir préjuger de l’avenir, il expliquait le fonctionnement de la procédure britannique, au reste assez différente de celle de la France. Lorsque quelqu’un était accusé d’un crime, on nommait des jurés pour voir si l’accusation pouvait être retenue contre lui. C’est ce qui venait de se passer pour M. de Guerchy, les dix-sept jurés ayant décidé que l’accusation était recevable. De ce fait, on allait envoyer chercher l’accusé par voie de justice et lui demander ce qu’il aurait à objecter pour sa justification. S’il ne parvenait pas à prouver la fausseté de l’accusation, on lui ferait son procès. Les démonstrations de David Hume suscitaient les protestations horrifiées de ses auditeurs   : le comte de Guerchy était innocent   ; l’accusation était portée par deux fous et ne pouvait être sérieusement recevable   ; un ambassadeur ne pouvait être soumis qu’à la justice de son maître. Hume répondait que la loi était telle que même l’intervention de S.M. britannique eût été nulle. Il laissait toutefois entendre que si les accusateurs se désistaient, il était possible d’annuler la procédure. Le comte de Broglie était atterré et le roi ne lui donnait toujours pas d’ordres concernant d’Éon.

« Il est naturel à un affligé de chercher un autre affligé   »
    Alors que le comte de Broglie essayait de sauver son protégé, le chevalier se demandait quel sort lui serait réservé. Au début de l’année 1766 ses angoisses redoublèrent. Il se cachait alors sous des vêtements féminins et se faisait passer pour Miss Loughlin comme en témoigne sa correspondance avec son beau-frère Thomas O’Gorman. On s’en souvient, cet Irlandais officier de l’armée anglaise avait épousé Mlle d’Éon en 1757. Il vivait tantôt à Tonnerre avec son épouse et Mme d’Éon mère, tantôt dans les îles
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