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Le Chant de l'épée

Le Chant de l'épée

Titel: Le Chant de l'épée
Autoren: Bernard Cornwell
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s’enfuit
le long du rivage de Caninga pour se réfugier sur son autre navire. En un
instant, la bataille cessa.
    — J’ai la catin ! hurla Sigefrid, qui
s’était hissé à bord à la force des bras, et assis, l’épée dans une main et
empoignant les cheveux d’Æthelflæd de l’autre.
    Ses hommes sourirent. Ils avaient vaincu. Ils
avaient récupéré leur trophée.
    — J’ai la catin, répéta Sigefrid à son
frère.
    — Donne-la-moi, répondit Erik.
    — Nous allons la ramener, dit Sigefrid, qui
ne comprenait toujours pas.
    Allongée sur le pont, Æthelflæd regardait Erik.
    — Donne-la-moi, répéta ce dernier.
    Je ne dirai point que le silence se fit. Il ne
pouvait y avoir de silence alors que la bataille continuait de faire rage sur
les navires d’Haesten, que les flammes rugissaient, que les blessés gémissaient,
mais les yeux de Sigefrid balayèrent la rangée des hommes d’Erik et s’arrêtèrent
sur moi. J’étais plus grand que tous et, bien que tournant le dos au soleil
levant, il dut reconnaître quelque chose, car il pointa sa lame sur moi.
    — Ôte ta cape, m’enjoignit-il de sa voix
haut perchée.
    — Je n’ai pas d’ordre à recevoir de toi.
    J’avais encore à mes côtés certains de ses
hommes, ceux-là mêmes qui étaient venus du navire barrière. Ils levèrent leurs
épées, mais Finan et mes hommes étaient avec moi.
    — Ne les tue point, dis-je. Jette-les
par-dessus bord, car ils ont combattu avec moi.
    Sigefrid lâcha les cheveux d’Æthelflæd et la
poussa vers ses hommes.
    — Toi et le Saxon, hein ? fit-il à
Erik en se traînant vers lui. Tu m’as trahi avec lui, mon frère ?
    — Je te paierai ta part de la rançon, dit
Erik.
    — Toi ? Payer ? Avec quoi ?
    — Je te paierai, répéta Erik.
    — Tu ne saurais payer une chèvre pour te
lécher le cul ! beugla Sigefrid. Emmenez-la à terre ! ordonna-t-il à
ses hommes.
    Alors Erik s’élança. Les hommes de Sigefrid ne
pouvaient guère emmener Æthelflæd à terre, car le Dragon-Voyageur avait
été entraîné à la dérive vers les navires d’Haesten, et je redoutais qu’ils ne
montent à bord à tout instant.
    Ralla, ayant les mêmes craintes, entraîna mes
hommes vers les bancs de nage et leur ordonna de ramer.
    Erik s’était élancé pour s’attaquer aux hommes
qui s’étaient emparés d’Æthelflæd. Je vis son frère lever son épée devant lui, le
regard stupéfait d’Erik devant son geste, puis j’entendis le cri d’Æthelflæd
alors que son amant s’embrochait sur Donneuse-d’Effroi. Le visage de Sigefrid
ne montra ni colère ni peine. Il garda l’épée droite alors qu’Erik s’affaissait,
puis, sans qu’un ordre ait été donné, nous chargeâmes tous. Mes hommes et ceux
d’Erik, épaule contre épaule, et la bataille reprit.
    — Garde Sigefrid en vie, dis-je à l’un
des mes hommes avant de porter Souffle-de-Serpent dans le dernier carnage de
cette matinée.
    Les hommes de Sigefrid succombèrent rapidement.
Ils étaient peu et nous étions nombreux. Les hommes d’Erik se battaient pour
venger leur seigneur, les miens pour Æthelflæd, recroquevillée, les bras sur la
tête, hurlant, inconsolable comme une femme aux funérailles de son époux. Et
peut-être est-ce ce qui lui sauva la vie, car, dans la mêlée qui s’empara du Dragon-Voyageur, les hommes redoutaient de tels cris.
    Ceux qui ne moururent pas se jetèrent par-dessus
bord. Il ne resta plus que Sigefrid, tandis que le Dragon-Voyageur s’ébranlait
sous les rames pour sortir du chenal.
    J’enveloppai Æthelflæd de ma cape ensanglantée.
Le navire prenait de la vitesse à mesure que les combattants lâchaient leurs
armes pour se mettre aux bancs de nage.
    Sigefrid était resté seul et il vivait. Assis,
ses jambes invalides inertes devant lui, privé de son épée, une lame pointée
sur sa gorge. Osferth, le fils d’Alfred, tenait cette épée et levait vers moi
un regard inquiet. Sigefrid jurait et crachait. Le corps de son frère, toujours
embroché, gisait auprès de lui.
    Je m’approchai et baissai les yeux vers lui
sans écouter ses insultes. Je considérai le cadavre d’Erik, songeant que j’aurais
pu aimer comme un frère un tel homme et me battre à ses côtés. Puis je
considérai Osferth, qui ressemblait tant à son père.
    — Je t’ai dit un jour que ce n’était pas
en tuant un infirme qu’un homme forge sa réputation.
    — Oui, seigneur.
    — J’avais tort.
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