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Le Bal Des Maudits - T 2

Le Bal Des Maudits - T 2

Titel: Le Bal Des Maudits - T 2
Autoren: Irwin Shaw
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Christian. Maintenant, fichez le camp d’ici.
    –  Mon devoir, déclama pompeusement le pionnier, est de faire sauter ce pont, et je veillerai personnellement à ce qu’il saute.
    –  Je ne veux pas que ce cordeau soit allumé, lui expliqua aimablement Christian, jusqu’à ce que les Américains soient presque arrivés ici. Si vous désirez rester personnellement sous le pont jusqu’à ce moment-là, je ne vois aucun inconvénient à vous indiquer personnellement où vous devrez vous poster.
    –  Ce n’est pas le moment de plaisanter, dit le pionnier avec dignité.
    –  Fichez le camp ! hurla Christian d’une voix pleine de menaces, se souvenant à la même seconde avec quel bonheur Hardenburg utilisait ces brusques changements de ton. Je ne veux pas vous voir ici une minute de plus ! Fichez le camp, ou vous allez le regretter !
    Il se tenait tout contre le pionnier, le dominant de toute sa hauteur, les mains crispées, comme s’il devait se retenir pour ne pas l’assommer.
    Le sergent recula, très pâle.
    –  Tension nerveuse, dit-il d’une voix rauque. Vos nerfs ont dû être terriblement éprouvés, au front. Vous n’êtes certainement pas dans votre état normal.
    –  Vite ! dit Christian.
    Le pionnier se hâta de rejoindre son escouade. Il parla brièvement à ses hommes, sans élever la voix, et l’escouade sortit de ses trous. Puis, sans se retourner, les pionniers s’éloignèrent. Christian ne sourit pas, comme il en avait envie, pour ne pas gâter l’effet salutaire de l’incident sur ses propres hommes.
    –  Sergent. – C’était le caporal, l’agent de liaison du bataillon, et sa voix était plus tremblante et plus aiguë que jamais. – Sergent, le capitaine nous attend…
    Christian fit face au caporal. Il le saisit au collet et l’attira lentement à lui. Les yeux de l’homme étaient jaunes et vitreux de terreur.
    –  Un mot de plus… dit Christian. – Il le secoua rudement, et le casque de l’homme tomba brutalement sur son nez. – Un mot de plus et je vous flanque une balle dans la peau.
    Puis il repoussa le caporal.
    –  Dohn ! appela-t-il.
    Une silhouette se détacha du peloton et se dirigea vers Christian.
    –  Suivez-moi, ordonna Christian.
    Il redescendit dans le fond du ravin, évitant soigneusement le petit champ de mines que, sous sa direction, les pionniers avaient constitué, et désigna le long cordeau attaché à la charge de dynamite, du côté nord de l’arche.
    –  Vous attendrez ici, dit-il au soldat silencieux, et, quand je vous en donnerai le signal, vous allumerez ce cordeau.
    Il entendit Dohn retenir brusquement sa respiration.
    –  Où serez-vous, sergent ? demanda l’homme.
    Christian désigna, à huit cents mètres, l’amas chaotique de rochers.
    –  Là-bas, dit-il. Ces blocs écroulés, au-dessus du tournant de la route ? Vous les voyez ?
    Il y eut une longue pause.
    –  Oui, sergent, murmura enfin le soldat.
    Les blocs étincelaient, contre l’herbe de la colline.
    –  J’agiterai ma veste, dit Christian. Il faudra que vous fassiez très attention. Vous allumerez alors le cordeau et vous vous assurerez qu’il brûle normalement. Vous aurez tout le temps dési rable. Ensuite, vous remonterez sur la route et courrez jusqu’au premier virage. Là, vous attendrez jusqu’à ce que vous entendiez l’explosion, puis vous suivrez la route jusqu’à ce que vous nous rejoigniez. Compris ?
    Dohn hocha la tête, d’un air morne.
    –  Je serai tout seul, ici ? s’informa-t-il.
    –  Non, dit Christian. Nous vous adjoindrons un guitariste et un corps de ballet.
    Dohn ne sourit pas.
    –  C’est bien compris ? demanda Christian.
    –  Oui, sergent, répliqua Dohn.
    –  Très bien, dit Christian. Si vous allumez le cordeau avant de me voir agiter ma veste, inutile de revenir.
    Dohn ne répondit pas. C’était un gros garçon lent, qui avant la guerre était docker, et Christian le soupçonnait d’avoir appartenu au parti communiste.
    Christian jeta un dernier coup d’œil aux dispositions prises sous le pont, à la silhouette immobile de Dohn, adossée à la pile incurvée. Puis il regagna la route. « La prochaine fois, pensa-t-il, cyniquement, ce soldat gardera pour lui ses critiques. »
    Il leur fallut un quart d’heure, en marchant vite, pour atteindre l’éboulis rocheux. Lorsqu’ils y parvinrent, Christian haletait bruyamment. Derrière lui, les hommes marchaient avec résignation, comme
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