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L'armée perdue

L'armée perdue

Titel: L'armée perdue
Autoren: Valerio Manfredi
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force. Cette ville est un nœud stratégique extrêmement important, le lien entre l’Asie et l’Europe, entre la mer Égée et le Pont-Euxin, elle contrôle les détroits qu’emprunte le commerce du blé, vital pour tous les Grecs. Elle ne peut tolérer la présence d’un gros contingent de mercenaires indépendants. Cette histoire se termine ici. Tout au moins pour moi. »
    Soudain, le sol se déroba sous mes pieds. Le moment était venu de payer le choix que j’avais fait par amour, une nuit, au puits de Beth Qadà. Combien de temps s’était écoulé ? Un an ? Dix ans ? Une vie entière, me semblait-il. Mais je ne regrettais rien. Les Dix Mille m’avaient appris qu’on peut surmonter tous les obstacles, remporter toutes les batailles. Ils m’avaient appris à ne jamais baisser les bras.
    « Et où iras-tu ? interrogeai-je. Et moi, où irai-je ?
    — Je ne le sais pas encore. Quelque part où l’on parle grec, et tu m’accompagneras. J’ai accumulé beaucoup d’expérience dans cette expédition, je pourrais devenir un bon conseiller politique ou militaire, peut-être en Italie ou en Sicile. Il y a là-bas des cités fort riches qui accueillent les hommes de mon espèce et les paient généreusement. »
    Je ne sus que répondre tant j’étais tiraillée. Ces propos me réconfortaient d’une certaine façon : Xéno ne me quitterait pas, il m’emmènerait dans des pays nouveaux, des villes lointaines et splendides où j’aurais peut-être une maison et des servantes. Mais l’idée d’abandonner l’armée à son sort me paraissait honteuse et m’indignait.
    « Les hommes ne sont pas seuls, dit Xéno. Ils ont leurs généraux, Timasion, Agasias, Xanthi, Cléanor, Néon. Ils se débrouilleront. J’ai fait tout ce qui était en mon pouvoir, personne ne peut me blâmer. Combien de fois ai-je risqué la mort ? Combien de vies ai-je sauvées ? »
    Il avait raison mais, à mes yeux, cela ne changeait rien. Je ne parvenais pas à me résigner.
    Nous vivions en ville, dans une maison confortable dotée d’une cuisine et d’une chambre à coucher, servis par notre domestique. Xéno voyait souvent des personnages de haut rang, mais il ne m’ouvrait plus son cœur.
    Un jour, un individu au nom imprononçable, originaire de Thèbes, se présenta et déclara qu’il s’occuperait de l’armée, qu’il paierait la solde des hommes et leur fournirait des vivres. Il voulait les enrôler afin de ravager la région qu’habitaient des tribus indigènes. Mais lorsqu’il se montra avec quelques chariots de farine, d’ail et d’oignons, on lui jeta ses oignons à la tête et le chassa à coups de pied dans le derrière. La coupe était pleine. Les hommes en avaient assez.
    C’est alors que le gouverneur dépêcha à Xéno son conseiller politique, un homme dont je ne me rappelle plus le nom, mais dont je n’oublierai jamais la tête ni le regard.
    « Les autorités de la ville mesurent les épreuves que vous avez traversées, dit-il, et les batailles que vous avez affrontées. Elles aimeraient vous aider davantage, mais elles ont les mains liées. Le gouverneur souhaite toutefois vous donner un signe de ses bonnes dispositions à votre égard. Il a rassemblé des vivres et de l’argent. Il organisera une grande fête d’adieu en votre honneur. Vous serez accueillis en ville, il y aura du vin et de la nourriture en abondance ; vos hommes seront ensuite hébergés pour la nuit dans les demeures de nos concitoyens et sous les portiques. Les officiers et leurs gardes du corps seront les invités du gouverneur. Le lendemain, vous recevrez des vivres et de l’argent pour un mois, un laps de temps qui vous permettra, me semble-t-il, de renvoyer vos soldats chez eux. Il y a plusieurs ports sur la côte. Il ne sera pas difficile de s’embarquer à bord des navires qui se rendent dans toutes les directions. »
    Xéno fut heureux et rassuré de se sentir en paix avec les Spartiates. Cependant, il ne voulait pas prendre de risques, et il demanda avant d’accepter : « Mes hommes ne se sépareront jamais de leurs armes. Cela constitue-t-il un problème ?
    — Bien sûr que non, répondit l’envoyé. Nous sommes des amis et nous avons le même sang. »
    Xéno accepta donc, puis il répandit la nouvelle. Ayant convoqué les hommes, il distribua ses instructions : « Je ne veux ni désordres, ni bagarres, ni violences d’aucune sorte. Vous ne vous servirez de vos armes que pour votre
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