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L'arc de triomphe

L'arc de triomphe

Titel: L'arc de triomphe
Autoren: E.M. Remarque
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France. »
    Veber leva la tête.
    « Je dis des bêtises. Je vous demande pardon, Ravic. »
    Il oubliait d’allumer son cigare.
    « Il ne peut pas y avoir de guerre, Ravic. C’est impossible ! On aboie et on menace. Mais il surviendra quelque chose au dernier moment ! »
    Il demeura un instant silencieux. L’assurance qu’il avait toujours montrée avait disparu.
    « Après tout, nous avons la ligne Maginot, dit-il presque comme s’il suppliait.
    –  C’est vrai », dit Ravic sans conviction. Il avait entendu cela mille fois. Les discussions avec les Français se terminaient souvent par cette conclusion.
    Veber s’essuya le front.
    « Durant a placé toute sa fortune en Amérique. C’est son secrétaire qui me l’a dit.
    Typique. »
    Veber posa sur Ravic son regard fatigué.
    « Et il n’est pas le seul. Mon beau-frère a échangé tous ses titres français pour des valeurs américaines. Gaston Nérée a toute sa fortune en dollars dans un coffre-fort. Et on dit que Dupont a enfoui des sacs d’or dans son jardin. » Il se leva. « Je ne veux même pas en parler. C’est impossible. Il ne se peut pas que la France soit trahie et vendue ! À l’heure du danger, tout le monde s’unira. Tout le monde.
    –  Tout le monde », dit Ravic, sans sourire.
    Veber fit un effort :
    « Il vaut mieux que nous parlions d’autre chose.
    –  Si vous voulez. Je conduis Kate Hegstrœm à Cherbourg. Je serai de retour à minuit. »
    Veber respira fortement.
    « Qu’avez-vous… Quelles dispositions avez-vous prises en ce qui vous concerne, Ravic ?
    –  Aucune. Nous serons envoyés dans un camp de concentration français. Ça vaudra toujours mieux qu’un camp allemand.
    –  Impossible. La France n’emprisonnera pas les réfugiés.
    –  On verra bien. Ce serait tout naturel, et personne ne pourrait y trouver d’objection.
    –  Ravic…
    –  C’est bien. Nous verrons. Espérons que vous voyez juste. Saviez-vous qu’on est en train de vider le Louvre ? Les plus belles toiles sont expédiées vers le centre de la France.
    –  Qui vous a dit cela ?
    –  J’y étais cet après-midi. On a aussi descendu les vitraux bleus de la cathédrale de Chartres. J’y suis allé hier. Un voyage sentimental. Je voulais les revoir encore une fois. On les avait déjà enlevés. Il y a un aérodrome qui est trop près. On a mis des vitres ordinaires. Tout comme on l’avait fait l’an dernier, à l’époque de la conférence de Munich.
    –  Vous voyez bien, dit Veber, sautant sur l’occasion. Il n’est rien advenu alors. Une agitation de tous les diables, et puis Chamberlain est arrivé avec le parapluie de la paix.
    –  Oui, le parapluie de la paix est toujours à Londres, et la déesse de la victoire est toujours au Louvre… sans tête. Elle va y rester. Elle est trop lourde pour qu’on la déplace. Il faut que je parte. Kate Hegstrœm m’attend. »
     
    Le Normandie était à quai, étoilant la nuit de ses mille lumières. Le vent, frais et salin, soufflait du large. Kate Hegstrœm serra davantage sur elle son manteau de fourrure. Elle était très amaigrie. Son visage semblait n’être plus que des os sur lesquels la peau était tendue, et où les larges yeux s’ouvraient comme des étangs sombres.
    « J’aimerais mieux rester ici, dit-elle. Je trouve soudain très difficile de partir. »
    Ravic la regarda. L’immense navire attendait. La passerelle était brillamment éclairée. Les passagers montaient, certains en se hâtant comme s’ils eussent craint d’arriver trop tard. Le palace gigantesque attendait, et son nom n’était plus Normandie , mais Évasion, Fuite, Salut ; dans des milliers de villes, d’hôtels, de chambres et de caves en Europe, c’était le rêve inaccessible de dizaines de milliers d’êtres, et, à côté de lui, quelqu’un dont la mort rongeait déjà les entrailles disait : « J’aimerais mieux rester ici. »
    C’était insensé. Pour les réfugiés de l’International, pour ceux des milliers d’« Internationaux » à travers l’Europe, pour tous ceux qui étaient épuisés, torturés, en fuite, pris au piège, ce navire eût été la Terre promise ; ils auraient baisé la passerelle en sanglotant, et ils auraient cru au miracle, s’ils avaient tenu le billet que le vent faisait trembler dans la main fatiguée de la femme qui était aux côtés de Ravic, le billet d’un être humain qui avait déjà entrepris le voyage vers la
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