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L'arc de triomphe

L'arc de triomphe

Titel: L'arc de triomphe
Autoren: E.M. Remarque
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le brie et déboucha une bouteille de vouvray. Après quoi il posa le poêlon sur la table, sur un journal, s’installa et se mit à manger. Il n’avait pas fait cela depuis longtemps. Il décida qu’il achèterait plusieurs paquets d’alcool le lendemain. Le réchaud était démontable. Il pourrait facilement l’apporter au camp.
    Ravic mangea lentement. Il goûta aussi le pont-l’évêque. Jeannot avait raison. C’était un excellent dîner.

 
CHAPITRE XXXII
     
     
     
    « L’ EXODE D ’É GYPTE , dit Seidenbaum, le docteur en philologie et en philosophie, à Ravic et à Morosow… L ’exode d’Égypte. Sans Moïse. »
    Mince et jaune, il se tenait à la porte de l’International. Dehors, les familles Stern et Wagner, et le célibataire Stolz, entassaient leurs biens dans un fourgon qu’ils avaient loué en commun.
    Plusieurs meubles étaient posés sur le trottoir, dans l’éclatant après-midi d’août. Un sofa doré, recouvert d’Aubusson, quelques chaises assorties au sofa et un tapis d’Aubusson tout neuf. Ils appartenaient à la famille Stern. Il y avait aussi une énorme table d’acajou. Selma Stern, une femme aux yeux de velours dans un visage fané, surveillait le déménagement comme une poule surveille ses poussins.
    « Attention ! Le dessus ! Ne l’éraflez pas ! Attention ! Mais faites attention, voyons ! »
    Le dessus de la table était ciré et poli. C’était un de ces objets sacrés pour lesquels les ménagères sont prêtes à risquer leur vie. Selma Stern tournait autour de la table que deux déménageurs soulevaient et déposaient avec une suprême indifférence.
    Le soleil faisait briller le dessus de la table. Avec un linge, Selma Stern se mit à polir nerveusement les coins. Son visage s’y reflétait comme en un sombre miroir, comme si, à travers les âges, une aïeule millénaire l’eût interrogé du regard.
    Les déménageurs réapparurent portant un buffet d’acajou. Un des hommes vira trop brusquement, et le coin du buffet vint donner sur le chambranle de la porte de l’hôtel.
    Selma Stern ne poussa pas un cri. Elle fut suffoquée, la main qui tenait le chiffon, levée, comme en un signe de protestation, la bouche ouverte, pétrifiée dans une attitude faisant supposer qu’elle s’apprêtait à avaler le chiffon.
    Josef Stern, son mari, trapu, avec des lunettes et une lippe pendante, s’approchait.
    « Eh bien, Selma… »
    Selma ne le voyait même pas. Elle fixait le vide.
    « Le buffet… marmonna-t-elle.
    –  Eh bien, Selma, reprit-il, avec son terrible accent, j’ai les visas.
    –  Le buffet de ma mère…
    –  Voyons, Selma. Une petite égratignure. Le principal, c’est d’avoir les visas.
    –  Ça ne disparaîtra pas. L’éraflure restera toujours.
    –  Madame, dit l’homme, qui ne comprenait pas leurs propos, mais qui se doutait bien du sens de leurs paroles, chargez vos meubles vous-même. Ce n’est pas ma faute si les portes sont trop étroites.
    –  Tu vois, Selma, dit Stern en se tournant vers sa femme. Qu’allons-nous faire maintenant ? Tu fais toujours des difficultés pour tes meubles en acajou. Nous sommes partis de Coblentz quatre mois trop tard parce que tu ne voulais pas t’en séparer, et il a fallu payer dix-huit mille marks d’impôts supplémentaires. Et maintenant, nous sommes dans la rue, et le bateau n’attendra pas ! »
    Il lança un regard de détresse vers Morosow.
    « Que faire ? se lamenta-t-il.
    –  Donnez-lui de l’argent », dit Morosow.
    Un sourire éclaira le visage de Stern.
    « C’est juste, dit-il à Morosow. Vous avez raison ! »
    Il prit quelques billets dans sa poche, et les tendit aux deux hommes, qui les acceptèrent d’un air de mépris. D’un air non moins méprisant, Stern remit son portefeuille dans sa poche. Les deux déménageurs se regardèrent, puis, sans dire un mot, se mirent à charger les chaises dans le fourgon.
    « Rien n’est plus déprimant que de voir des meubles dans la rue », dit Morosow.
    Il montrait ceux de la famille Wagner. Quelques chaises, un lit qui semblait triste et honteux de se trouver au milieu du trottoir. Deux valises pleines de vêtements. Sur les valises, des étiquettes d’hôtel : Viareggio, le Grand Hôtel Gardone, Berlin, Hôtel Adlon. Une psyché, dans un cadre doré, qui reflétait la rue. Des ustensiles de cuisine. On se demandait pourquoi ils emportaient tout cela en Amérique.
    « Des parents, dit Léonie Wagner,
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