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L'arbre de nuit

L'arbre de nuit

Titel: L'arbre de nuit
Autoren: François Bellec
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espace ouvert de contacts et d’échanges commerciaux respectant les valeurs universelles de la chrétienté.
    — Sa motivation était noble et imperméable aux critiques.
    — Certes. Tout s’est d’ailleurs bien passé le long des côtes africaines dont les peuples étaient inorganisés. En arrivant à Calicut, nos découvreurs se sont heurtés à la résistance de communautés plus coriaces. C’était l’une des plus anciennes places de commerce du monde. Les musulmans étaient chez eux. Le Malabar leur doit son nom.

    Le gouverneur reprit son souffle. Ses pommettes étaient rouges de fièvre.
    — Dès le retour du voyage historique de Vasco de Gama, dom Manoel a recommandé de faire tout le possible pour obtenir du samorin de Calicut son amitié et l’autorisation deconstruire une forteresse pour soutenir un comptoir. Calicut était la clé des Indes.
    Dom André souleva son buste, s’appuyant des mains sur le cadre de l’étroite litière.
    — Passe-moi Correa. Celui-là.
    Il se tourna péniblement sur le côté, feuilletant le volume, qu’il tenait des deux mains.
    — Tu connais ce passage sur Calicut. « Les Maures comprirent qu’ils perdraient leur puissance si les nôtres arrivaient à établir entre le samorin et le roi du Portugal des liens d’amitié et de commerce qu’ils étendraient bientôt à toutes les contrées de l’Inde. Les marchands maures se réunirent donc en conseil et décidèrent entre eux de faire tout ce qu’ils pourraient afin de chasser les Portugais. »
    Dom André arrêta sa lecture et tendit le livre refermé à Jean.
    — Les quelques hommes laissés sur place pour y établir un premier comptoir en attendant le gros de nos forces ont été massacrés. C’est comme ça que tout a commencé. Afonso d’Albuquerque a ordonné d’incendier le palais du samorin et de se replier sur Cochin sur la lagune de Vembanad. Donne-moi Ásia maintenant. Cherche le passage sur les glaives. Tu sais ?
    Il fut pris d’une quinte de toux.
    — Non. Lis toi-même à haute voix.
    — Les instructions royales ?
    — Oui.
    — « Dans les instructions écrites que Pedro Alvares Cabral avait reçues du roi, la principale était de traiter les Maures et les idolâtres de ces pays lointains avec le glaive matériel et séculier, laissant aux religieux le glaive spirituel. Et si ces gens étaient tellement obstinés dans leurs erreurs qu’ils ne voulussent d’aucune façon accepter les paroles de la vraie Foi, et refuseraient le principe de la paix qui doit unir les hommes et régner parmi eux pour la conservation de l’espèce humaine, et entraveraient l’exercice du commerce et des échanges, on devrait alors, par le fer et par le feu, leur faire une guerre cruelle. »
    Jean referma Ásia et se tut. Dom André les regardait tous les deux d’un œil interrogateur.
    François jugea convenable de relativiser la dureté des ordres royaux.
    — Le Saint-Office combat l’hérésie de la même façon. Il n’y a là rien qui soit à verser à charge contre le roi du Portugal.
    — On peut voir les choses ainsi. En tout cas, la guerre a été aussitôt impitoyable et brutale de part et d’autre. Le littoral s’est embrasé de bout en bout.
    — Vos hommes avaient reçu l’absolution collective au départ de Lisbonne parce qu’ils risquaient la mort au cours du voyage, et ils avaient vécu l’enfer de traversées interminables. Ceux qui avaient survécu au scorbut et aux fièvres se sont trouvés mal affermis sur leurs jambes quand ils ont entrepris de s’attaquer à un monopole commercial ancestral et à une culture martiale fanatique.
    — C’est vrai. Et ils ont rompu la puissance maritime musulmane. Nos corsaires contrôlaient tout l’océan Indien. Quand dom Afonso put établir notre empire à Goa, il construisit aussitôt des forteresses selon sa culture d’homme de guerre.
    — Et des églises en action de grâce.
    — Des églises oui. Aussi un hôpital parce qu’il était soucieux de ses hommes. Et une maison de la monnaie parce qu’il avait l’envergure d’un homme d’État.
    Le gouverneur fut pris d’une nouvelle quinte de toux qui ensanglanta son mouchoir.
    — Albuquerque a expliqué au roi sa méthode pour arriver à cela. « Je ne laisse debout ni une sépulture ni un édifice musulman. Les Maures que l’on capture vivants, je les brûle. »
    Il ferma les yeux.
    — Et, effectivement, il les a brûlés. Goa avait été prise et perdue
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