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La véritable histoire d'Ernesto Guevara

La véritable histoire d'Ernesto Guevara

Titel: La véritable histoire d'Ernesto Guevara
Autoren: Rigoulot
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montrerait une autre voie au socialisme, plus proche de celle de Trotski que de celle du père Fouettard Staline.
    Il était, nous disent-ils aussi, « l’un des porte-parole les plus ardents des pays pauvres agissant contre l’impérialisme sur la scène internationale, dans l’indépendance voire la défiance des bureaucraties de l’Est 160 . » Peut-être, ici, Guevara touche-t-il notre sensibilité. La pauvreté reste un gros problème du xxi e  siècle comme elle l’était il y a cinquante ans, du temps de Guevara. Mais bien rares sont ceux qui croient encore que les problèmes du tiers-monde se régleront pas la multiplication des guerres, dites « de libération » !
    Mère Teresa des mitrailleuses
    Alors ? Si ce n’est ni le sang versé ni la beauté des objectifs socialistes, où se trouvent les raisons d’admirer Guevara ?
    Conscient de la nouvelle sensibilité des populations occidentales, plus compassionnelles que révolutionnaires, Olivier Besancenot tente parfois de faire pleurer les chaumières en prêtant au Che une grande bonté d’âme et en lui attribuant quelque chose du Dr Schweitzer, soignant les pauvres d’une main et tenant son fusil de l’autre. Mère Teresa des mitrailleuses en somme 161  ! Ou si l’on préfère San Ernesto de la Higuera, ou encore l’abbé Pierre sud-américain, quelqu’un du genre à « secourir ses compagnons, ou même ses adversaires, et soigner les paysans 162  », à la rigueur.
    Il ne fut pas ainsi, nous l’avons vu, et il ne le voulait pas. Se pencher sur les éclopés de la vie, les laissés-pour-compte du développement, les victimes d’un ordre injuste ne l’intéressait guère et il refusait ce rôle ingrat et nécessairement récurrent d’ambulancier planétaire. On ne peut louer le Che pour sa volonté d’atténuer une partie des maux provoqués par d’autres. Il souhaitait autre chose, justement : non pas bricoler des réparations mais susciter un monde et un homme nouveaux, où les réparations seraient enfin inutiles…
    La seule réalisation véritable de Guevara, c’est Cuba, mais c’est le parti unique et l’absence d’élections depuis bientôt soixante ans, la misère d’une population qui vend ses filles aux touristes, rafistole des vieilles bagnoles américaines, mendie en Espagne et en Amérique, voyage dans des camions épuisés, habite des maisons qui s’écroulent et achète 84 % de sa nourriture à l’ennemi américain parce qu’il est bien incapable de la produire.
    Bien sûr, Guevara est mort en 1967, bien sûr, il n’aurait pas applaudi à ce désastre, mais, malgré toutes les réserves qu’il pouvait discrètement formuler, il est un de ceux qui a mis la machine en route, un de ceux qui faisait fusiller ceux qui ne souhaitaient pas qu’on avance sur cette voie-là. Pour Guevara, la valeur de ces buts valait la peine d’éliminer tous les obstacles qui y menaient, fussent-ils des êtres humains…
    À son corps défendant, il a d’ailleurs poursuivi son combat en faveur de Cuba non pas telle qu’il a pu la rêver, mais telle que les frères Castro l’ont façonnée. Le culte de Guevara à Cuba a pour fonction de donner à la Révolution castriste ce supplément d’âme qu’elle a perdu pour cause de décennies de rationnement alimentaire, de logements insalubres, de transports d’un autre âge. C’est une manière aussi de s’approprier ses valeurs et de les rappeler à la population cubaine sous une forme incarnée et personnalisée – le message passe alors beaucoup mieux. Tous les matins, les petits écoliers cubains lancent tous ensemble : « Pioneros del comunismo, seremos como el Che. » (Pionniers du communisme, nous serons comme le Che). Paradoxalement, enfin, notre révolutionnaire argentin a eu de son vivant comme depuis sa mort un rôle national cubain. Le Che et sa ligne radicale favorable à la lutte armée étaient mis en avant par Castro face aux Soviétiques tenants de la coexistence pacifique et de l’exploration des possibilités de voie pacifique au socialisme, pour se faire reconnaître comme le défenseur d’une position médiane aussi bien à Moscou qu’au Caire ou à Belgrade, chez les non-alignés. Une position confortable dont les Soviétiques connaissaient les avantages puisque eux-mêmes utilisaient Cuba (Castro et Guevara confondus) comme signe des impatiences révolutionnaires du tiers-monde et, donc, de leur propre modération dans leurs rapports
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