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La Sorcière

La Sorcière

Titel: La Sorcière
Autoren: Jules Michelet
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d'impudiques libertés !
    Cela eut lieu, disent le frère et la sœur, depuis que l'affaire est en justice . Mais, du 26 novembre au 26 février, Girard fut intimidé, humilié, toujours battu dans la guerre de témoins qu'il faisait à la Cadière. Encore moins osa-t-il la voir depuis le 10 mars, le jour où elle revint à elle, et sortit du couvent où il la tenait. Il ne la vit qu'en ces cinq jours où il était encore maître d'elle, et où l'infortunée, sous l'influence du poison, n'était plus elle-même.
    Si la mère Guiol avait jadis livré la Cadière, la fille Guiol put la livrer encore. Girard, qui avait alors gagné la partie par le démenti qu'elle se donnait à elle-même, osa venir dans sa prison, la voir dans l'état où il l'avait mise, hébétée ou désespérée, abandonnée du ciel et de la terre, et s'il lui restait quelque lucidité, livrée à l'horrible douleur d'avoir, par sa déposition, assassiné les siens. Elle était perdue, et c'était fini. Mais l'autre procès commençait contre ses frères et le courageux carme. Le remords pouvait la tenter de fléchir Girard, d'obtenir qu'il ne les poursuivît pas, et surtout qu'on ne la mît pas à la question.
    L'état de la prisonnière était déplorable et demandait grâce. De petites infirmités attachées à une vie toujours assise, la faisaient souffrir beaucoup. Par suite de ses convulsions, elle avait une descente, par moments fort douloureuse (p. 313). Ce qui prouve que Girard n'était pas fortuitement criminel, mais un pervers, un scélérat, c'est qu'il ne vit de tout cela que la facilité d'assurer son avantage. Il crut que, s'il en usait, avilie à ses propres yeux, elle ne se relèverait jamais, ne reprendrait pas le cœur et le courage pour démentir son démenti. Il la haïssait alors, et pourtant, avec un badinage libertin et odieux, il parla de coite descente, et il eut l'indignité, voyant la pauvre personne sans défense, d'y porter la main (p. 249). Son frère l'assure et l'affirme, mais brièvement, avec honte, sans pousser plus loin ce sujet. Elle même attestée sur ce fait, elle dit en trois lettres : « Oui. »
    Hélas ! son âme était absente, et lui revenait lentement. C'est le 6 mars qu'elle devait être confrontée, confirmer tout, perdre ses frères sans retour. Elle ne pouvait parler, étouffait. Les charitables commissaires lui dirent que la torture était là à côté, lui expliquèrent les coins qui lui serreraient les os, les chevalets, les pointes de fer. Elle était si faible de corps que le courage lui manqua. Elle endura d'être en face de son cruel maître, qui put rire et triompher, l'ayant avilie du corps, mais bien plus, de la conscience ! la faisant meurtrière des siens !
    On ne perdit pas de temps peur profiter de sa faiblesse. A l'instant, on s'adressa au Parlement d'Aix, et on en obtint que le canne et les deux frères seraient désormais inculpés, qu'ils auraient leur procès à part, de sorte qu'après que la Cadière serait condamnée, punie, on en viendrait à eux, et on les pousserait à outrance.
    Le 10 mars, on la traîna des ursulines de Toulon à Sainte-Claire d'Ollioules. Girard n'était pas sur d'elle. Il obtint qu'elle serait menée, comme on eût fait d'un redoutable brigand de cette route mal famée, entre les soldats de la maréchaussée. Il demanda qu'à Sainte-Claire, elle fût bien enfermée à clef. Les dames furent touchées jusqu'aux larmes de voir arriver entre les épées leur pauvre malade qui ne pouvait se traîner. Tout le monde en avait pitié. Il se trouva deux vaillants hommes, M. Aubin, procureur, et M. Claret, notaire, qui firent pour elle les actes où elle rétractait sa rétractation, pièces terribles où elle dit les menaces des commissaires et de la supérieure des ursulines, surtout le fait du vin empoisonné qu'on la força de prendre (10-16 mars 1731, p. 243-248).
    En même temps, ces hommes intrépides rédigèrent et adressèrent à Paris, à la chancellerie, ce qu'on nommait l'appel comme d'abus, dévoilant l'informe et coupable procédure, les violations obstinées de la loi, qu'avaient commises effrontément : 1° l'official et le lieutenant ; 2° les commissaires. le chancelier d'Aguesseau se montra très-mou, très-faible. Il laissa subsister cette immonde procédure, laissa aller l'affaire au Parlement d'Aix, tellement suspect ! après le déshonneur dont ses deux membres venaient de se couvrir.
    Donc, ils ressaisirent la victime,
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