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La Sorcière

La Sorcière

Titel: La Sorcière
Autoren: Jules Michelet
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célébré que par une réforme des mœurs, par l'exemple sévère qu'on fait des corrupteurs publics. — Rien de plus à propos que d'on faire un terrible et solennel, sur cette fille infernale, qui a tellement attenté à l'innocence de Girard.
    Voilà ce qu'il fallait pour bien laver ce Père. Il fallait établir que (même eût-il méfait, imité des Chauffours) il avait été le jouet d'un enchantement . Les actes n'étaient que trop clairs. Aux termes du droit canonique, et d'après ces arrêts récents, quelqu'un devait être brûlé. Des cinq magistrats du parquet, deux seulement auraient brûlé Girard. Trois étaient contre la Cadière. On composa. Les trois qui avaient la majorité n'exigèrent pas la flamme, épargnèrent le spectacle long et terrible du bûcher, se contentèrent de la mort simple.
    Au nom des cinq, il fut conclu et proposé au Parlement : « Que la Cadière, préalablement mise à la question ordinaire et extraordinaire, fût ensuite ramenée à Toulon, et, sur la place des Prêcheurs, pendue et étranglée  ».
     
    Ce fut un coup terrible. Il y eut un prodigieux revirement d'opinion. Les mondains, les rieurs, ne rirent plus ; ils frémirent. Leur légèreté n'allait pas jusqu'à glisser sur une chose si épouvantable. Ils trouvaient fort bon qu'une fille eût été séduite, abusée, déshonorée, et qu'elle eût été un jouet, qu'elle mourût de douleur, de délire ; à la bonne heure, ils ne s'en mêlaient pas. Mais, quand il s'agit d'un supplice, quand l'image leur vint de la triste victime, la corde au cou, étranglée au poteau ! les cœurs se soulevèrent. De tous côtés monta ce cri : « On ne l'avait pas vu depuis l'origine du monde, ce renversement scélérat : la loi du rapt appliquée à l'envers, la fille condamnée pour avoir été subornée, le séducteur étranglant la victime ! »
    Chose imprévue en cette ville d'Aix (toute de juges, de prêtres, de beau monde), tout à coup il se trouve un peuple, un violent mouvement populaire. En masse, un corps serré, une foule d'hommes de toute classe, d'un élan, marche aux Ursulines. On fait paraître la Cadière et sa mère. On crie : « Rassurez-vous, mademoiselle. Nous sommes là... Ne craignez rien. »
    Le grand dix-huitième siècle, que justement Hegel a nommé le règne de l'esprit , est bien plus grand encore comme règne de l'humanité . Des daines distinguées, comme la petite-fille de madame de Sévigné, la charmante madame de Simiane, s'emparèrent de la jeune fille et la réfugièrent dans leur sein. Chose plus belle encore (et si touchante), les dames jansénistes, de pureté sauvage, si difficiles entre elles, et d'excessive austérité, immolèrent la Loi à la Grâce dans cette grande circonstance, jetèrent les bras au cou de la pauvre enfant menacée, la purifièrent de leurs baisers au front, la rebaptisèrent de leurs larmes.
    Si la Provence est violente, elle est d'autant plus admirable en ces moments, violente de générosité et d'une véritable grandeur. On en vit quelque chose aux premiers triomphes de Mirabeau, quand il eut à Marseille autour de lui un million d'hommes. Ici, déjà, ce fut une grande scène révolutionnaire, un soulèvement immense contre le sot gouvernement d'alors, et les jésuites, protégés de Fleury. Soulèvement unanime pour l'humanité, la pitié, pour la défense d'une femme, d'une enfant, si barbarement immolée. Les jésuites imaginèrent bien d'organiser dans la canaille à eux, dans leurs clients, leurs mendiants, un je ne sais quel peuple qu'ils armaient de clochettes et de bâtons pour faire reculer les cadières . On surnomma ainsi les deux partis. Le dernier, c'était tout le monde. Marseille se leva tout entière pour porter en triomphe le fils de l'avocat Chaudon. Toulon alla si loin pour sa pauvre compatriote, qu'on y voulait brûler la maison des jésuites.
    Le plus touchant de tous les témoignages vint à la Cadière d'Ollioules. Une simple pensionnaire, mademoiselle Agnès, toute jeune et timide qu'elle fût, suivit l'élan de son cœur, se jeta dans cette mêlée de pamphlets, écrivit, imprima l'apologie de la Cadière.
    Ce grand et profond mouvement agit dans le Parlement même. Les ennemis des jésuites en furent tout à coup relevés, raffermis, jusqu'à braver les menaces d'en haut, le crédit des jésuites, la foudre de Versailles que pouvait leur lancer Fleury 39. .
    Les amis même de Girard, voyant leur nombre diminuer, leur
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