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La Revanche de Blanche

La Revanche de Blanche

Titel: La Revanche de Blanche
Autoren: Emmanuelle Boysson (de)
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hommes : elle sait composer.
    Sur sa robe ivoire ornée de dentelles, elle a jeté une draperie vieux rose qu’elle retient d’une main potelée :
    — Mes chéris, il est temps de cesser vos amusements. Je vous prie de descendre au salon. Madame Scarron souhaite vous voir.
    — Pas maintenant, maman, on commençait à jouer, proteste Antoine.
    Blanche se prend les pieds dans les jupons de sa marraine :
    — Elle est gentille Françoise. Pas son mari, il me fait peur : c’est un sorcier.
    — Il est très savant, tu sais. Aujourd’hui, il décline, mais les plus beaux esprits fréquentaient son salon. Arrête de traînasser, Antoine, et tiens-toi droit…
     
    Assise près de la fenêtre dans une niche de damas argenté, Françoise Scarron baisse les yeux. Son maintien tristounet, sa robe grise brodée de mousseline blanche au col et aux manches, ses manières simples tranchent avec l’exubérance de Ninon mais lorsque son regard noisette se pose sur vous, il y perce une intensité qui rassure, repose.
    Ninon boit un verre de Meursault. Elle commence à regretter d’avoir encouragé son amie à se distraire avec son vieil amant, ce galopin de Villarceaux, afin qu’il cesse de l’importuner : Françoise d’Aubigné ne s’en est pas remise.
    C’était l’année dernière. Une éternité pour Blanche qui venait d’arriver à Paris. Le marquis s’était invité chez les Scarron, rue Neuve-Saint-Louis. Françoise l’avait déjà croisé. Elle avait gardé de lui une impression de fatuité, d’insolence déplacée. Elle se raisonna, non sans éprouver un malaise si vif que la tête lui tourna. Quelques jours plus tard, elle trouva un billet sur sa toilette : Je vous aime du premier jour que je vous vis et vous aimerai jusqu’au dernier instant de ma vie. Sur le pas de la porte, elle le pria de ne plus remettre les pieds chez elle. Villarceaux brisa son éventail. Pour se faire pardonner, il lui en fit porter douze autres en écaille incrustée d’ivoire. Elle les lui renvoya. Il la harcela de billets doux. Ninon prit son parti. Françoise daigna recevoir le marquis. Il se présenta avec un montreur d’ours, lui offrit un missel relié en peau de serpent, s’accusa, pleura, trépigna, prit sa main. Elle ne la retira point. Se fit saigner, se purgea, se réfugia dans des églises : Villarceaux l’attendait à la sortie. Un soir, chez Ninon, il déclara en public : « Fût-ce dans le lit de Cassandre ou dans celui de Cléopâtre, on ne couche pas si aisément madame Scarron. »
    — Charmante, cette petite Blanche, dit-elle d’une voix mourante en embrassant les enfants du bout des lèvres. Pardonne-moi, Ninon, ma migraine tisse sa toile dans mon crâne.
    Ninon fait signe à Blanche et à Antoine de rejoindre M. Le Joyeux. Elle caresse le poignet de son amie :
    — Tu sembles chagrine. J’espère que tes maux de tête ne sont pas dus à Villarceaux, il ne le mérite pas. L’amour ne meurt jamais de besoin, mais souvent d’indigestion.
    — C’est étrange, je n’éprouve aujourd’hui que le dégoût d’une fin de banquet, avoue Françoise.
    — On n’a jamais l’âge du cœur. Lorsque l’ivresse de l’amour est passée, j’en ris ; je compare les prouesses de mes amants. La maladie de ton mari te mine, ma chérie. Essaie de t’aérer les idées, conseille Ninon.
    — Je n’ai pas la fesse à ça. Les membres de Scarron se recroquevillent, ses genoux entrent dans ses côtes, lui meurtrissent la poitrine. Le pavot ne le calme plus. Hier, il m’a déclaré qu’il voulait s’empoisonner. Je l’ai veillé jusqu’au matin. Il n’arrivera jamais à finir la troisième partie de son Roman comique.
    — Tu es bien partie pour être une sainte, sourit Ninon. Quand tu auras le temps, j’aimerais que tu t’occupes de ma Blanche : elle aurait besoin d’être tempérée, d’apprendre nos manières. Elle souffre plus qu’il n’y paraît de l’absence de sa mère.
    — Mon plus cher désir est de transmettre aux enfants les valeurs auxquelles je crois, aux jeunes filles surtout. Il reste beaucoup à faire pour que les femmes soient instruites autant que les hommes.
    — … Encore faudrait-il que les hommes admettent qu’ils y gagneront, s’exclame Ninon. On en est loin. Regarde comment ils traitent les Précieuses – certaines d’entre elles ne l’ont pas volé ! Même Molière s’y met. Depuis qu’il a obtenu la protection de Monsieur, il s’est aperçu que
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