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La Revanche de Blanche

La Revanche de Blanche

Titel: La Revanche de Blanche
Autoren: Emmanuelle Boysson (de)
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dois rejoindre ton papa. Tu comprends, je ne peux pas t’emmener : il y a trop d’épidémies, les Indiens tombent comme des mouches. Dans quelques mois, je serai de retour, promis. Ne t’inquiète pas, tu vas voyager avec la gentille Solen, tu sais, la femme de Chipon, le maréchal-ferrant.
    Blanche saute du lit, court s’asseoir sur la malle :
    — Tu préfères papa à moi. Je n’ai rien à faire de ta Ninon et d’Antoine. Je m’enfuirai de leur maison. Moi aussi, je prendrai un bateau.
    — Tu fais de la peine au Bon Dieu et à ta maman, ma chérie.
    Blanche se lève, penaude. Elle presse contre elle sa poupée :
    — J’essaierai, murmure-t-elle, les yeux baissés.
     
    Dimanche 14 août, jour du départ, dix heures du matin. Sur la place de Locronan, les habitants s’apprêtent à suivre la procession de la Troménie sur l’ancien parcours des druides. Devant l’église, les porteurs de croix et de bannières s’inclinent au passage du prêtre en surplis blanc. Des enfants lancent des pétales de roses. Roulements de tambour. Émilie et Blanche se fraient un passage vers le coche défraîchi. Le ballot de la gamine sur l’épaule, Chipon traîne des sabots. Devant la taverne Notre-Dame , les quatre percherons piaffent. Des paysans et des marins se pressent à la portière de la voiture. Solen, sa coiffe des grands jours au vent, enlace Blanche, la hisse sur une banquette :
    — En route, mauvaise troupe ! Madame, ne vous souciez de rien, j’ai des crêpes et des pommes reinettes pour vot’ p’tiote.
    Émilie fourre une bourse dans sa manche. Blanche bondit pour se cramponner au cou de sa mère :
    — Maman, maman chérie, je ne veux pas que tu partes.
    — Je t’aime tant, je suis fière de toi, mon ange. Fais honneur à ton grand-père qui te regarde du haut du ciel, s’attendrit Émilie.
    Penchée à la fenêtre, Blanche tient la main de sa mère jusqu’à l’angle de la rue des Charrettes. Au premier coup de fouet, les chevaux se mettent à trotter. Émilie lâche le poignet de sa fille :
    — Adieu, ma chérie.
    — Je ne t’entends plus, s’agite Blanche. Il y a trop de bruit.
    1 - Merci.

2
    Chaton sauvage, Blanche rampait le long des murs, faisait des grimaces derrière les paravents, s’empiffrait de restes dans la cuisine. Un an est passé et il a passé vite. Antoine avait beau lui proposer de jouer aux quilles, chaque fois, elle le rembarrait. Elle griffa Blase, le fidèle valet de Ninon, traita M. Joyeux de diablotin. Sa marraine ne la gronda pas. Elle la laissait libre de vaquer à sa guise dans l’hôtel de Sagone – sis, au 36 de la rue des Tournelles, près de la place Royale – que les mauvaises langues appellent la bonbonnière tant il est encombré de bibelots, de trophées, de fanfreluches.
    La porte cochère s’ouvre sur une cour intérieure pavée où est entreposé un siège à privé, la chaise à porteurs de la courtisane. Capitonnée de satin rayé jaune et blanc, des fenêtres voilées de taffetas paille, elle a abrité des scènes coquines que Ninon garde pour ses vieux jours. En bas, une cuisine, un garde-manger bourré de confitures et de jambon. À l’étage, une antichambre tapissée de verdure à la flamande donne sur la chambre de Ninon. Le rouge et le vert s’y courtisent. C’est là, dans la ruelle, autour du lit aux rideaux vermeil débordant de coussins, que Mlle de Lenclos reçoit ses intimes. Au mur, elle a rassemblé les portraits de ses caprices préférés : le comte d’Aubijoux, minois moustachu ; Gaspard de Coligny, corseté dans son costume d’amiral ; Charles de Saint-Évremond, poète maudit exilé en Angleterre pour mauvais esprit ; le marquis de Villarceaux, œil bleu coquin, sourire en coin, plus vivant que nature. Près d’un œil-de-bœuf, la binette de César de Miossens d’Albret, en uniforme de maréchal de France, jette un regard dédaigneux sur les conquêtes de celle qu’il entretint longtemps. Sous les toits, le royaume des enfants. Chacun sa couleur, bleu marine pour Antoine, rose pour Blanche. Par la lucarne du chien-assis, la petite fille peut observer jongleurs, porteurs d’eau et criailleurs qui braillent en bas, rue des Tournelles.
    Au fil des mois, la patience de sa marraine a émoussé les rébellions de Blanche. Chaque soir, la musicienne lui joue du luth ou lui raconte une histoire jusqu’à ce qu’elle tombe de sommeil, la dernière lettre de sa mère posée sur son chevet. Elle
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