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La Poussière Des Corons

La Poussière Des Corons

Titel: La Poussière Des Corons
Autoren: Marie-Paul Armand
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de sifflet de la directrice. Nous avons alors été rangées par classes. Marie
à mes côtés, nous sommes entrées dans notre salle avec notre institutrice. C’était
une dame assez âgée à l’air doux et gentil, qui nous dit s’appeler M me  Blanche.
    Toute la matinée fut occupée par la distribution de crayons,
de cahiers, de livres. La maîtresse nous interrogea ensuite, une à une, demandant
notre nom, posant des questions sur notre famille, nos parents, notre vie à la
maison. Nous étions, pour la plupart, des filles de mineurs. Il y avait aussi
quelques filles de commerçants et de cultivateurs.
    Une petite fille, pourtant, ne nous ressemblait pas. Alors
que nous étions toutes vêtues de la même blouse noire, elle était la seule à
avoir un tablier de cotonnade colorée, très joli, qui lui valait bien des
regards d’envie et d’admiration. Elle avait des cheveux d’un blond très clair, et
je la trouvai jolie. En réponse aux questions de M me  Blanche, elle
déclara qu’elle s’appelait Juliette Fontaine, et que son père était le
directeur de la mine.
    Lorsque vint la récréation, nous étions si peu habituées à l’immobilité
que nous avions des fourmillements dans les jambes et dans les mains. Avec joie,
nous nous sommes retrouvées dans la cour. La timidité du matin nous avait
quittées. Heureuses de nous dépenser, nous avons couru, nous avons joué. Nos
cris et nos rires faisaient s’enfuir les oiseaux qui pépiaient dans les
marronniers.
    Je poursuivais Marie en courant lorsque j’aperçus, dans un
coin de la cour, triste et solitaire, Juliette. Elle était appuyée contre le
mur, mains derrière le dos. Elle regardait la joyeuse effervescence avec une
expression d’envie et de déception. Elle ne semblait connaître personne. Elle
était si différente de nous que les autres ne s’y étaient pas trompées, et la
laissaient à l’écart. Je me suis dirigée vers elle :
    — Veux-tu jouer avec nous ?
    Elle m’a regardée avec une sorte d’étonnement, puis un joli
sourire a illuminé son visage, creusant des fossettes dans ses joues. Je l’ai
prise par la main, je l’ai entraînée vers Marie :
    — Marie, Juliette va jouer avec nous.
    Marie, bonne fille, accepta. Toutes les trois, nous avons
couru, ri et joué jusqu’à la fin de la récréation. Je me sentais attirée par
Juliette, j’éprouvais le désir de m’en faire une amie.
    Pendant la deuxième partie de la matinée, M me  Blanche
nous expliqua ce que nous ferions au long de l’année. Je fus littéralement
captivée. J’avais cru, en écoutant ce que m’en disait Charles, que l’école
serait ennuyeuse, mais je me mettais à découvrir que, bien au contraire, apprendre
m’intéresserait.
    A midi, nous sommes sorties. Nous avons retrouvé Charles, qui
nous attendait à la grille. Juliette, qui était avec nous, se dirigea vers un
grand garçon blond qui semblait l’attendre et me dit, avec fierté :
    — C’est mon frère, Henri. Il a onze ans.
    Elle le prit par la main et s’éloigna avec lui. Avec Charles
et Marie, je revins chez moi.
    A la maison, je fus intarissable. Mon père n’était pas là, et
je noyai ma mère sous un flot de paroles enthousiastes. Je racontai, pêle-mêle,
M me  Blanche, les livres, la classe, Juliette. Lorsqu’il fut l’heure
de retourner à l’école, je repartis avec joie et impatience, ayant totalement
oublié mon appréhension du matin. Tout l’après-midi, je fus passionnée. M me  Blanche,
à la fin, nous raconta une histoire, et elle n’eut pas d’auditrice plus
attentive que moi.
    Sur le chemin du retour, je ne pus m’empêcher de faire part
de mon enthousiasme à Charles et à Marie. Ils furent surpris, ils étaient loin
d’aimer l’école à ce point-là.
    Lorsque je rentrai, mon père était là. Il m’attendait.
    — Alors, ma petite fille, comment s’est passée
cette journée ?
    De nouveau, je racontai. Mon père me prit sur ses genoux et,
toute la soirée, nous avons feuilleté, avec une sorte de respect, page par page,
les livres donnés par M me  Blanche. Nous regardions les images, mon
père me lisait leur légende. Il avait aussi aimé l’école, mais il avait dû la
quitter dès l’âge de onze ans pour aller travailler à la mine. Il aimait
toujours lire, et autant que moi, mes livres d’école le captivèrent.
     
    Le lendemain et les autres jours, et tout au long des
semaines et des mois qui suivirent, l’école fut pour
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