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La pique du jour

La pique du jour

Titel: La pique du jour
Autoren: Robert Merle
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l’arbre dont est tiré ce bois s’appelle l’arbre du
paradis. Secundo, le galion dont il était la quille avait pour nom : Les
cinq plaies. Tertio  : on en a fait une croix pour le maître-autel de
la basilique. Quarto  : les pauvres de Jésus-Christ étaient assis
dessus…
    — J’entends bien, dis-je, qu’il paraît sanctifié et par
les noms auxquels il paraît associé et par l’usance qu’on en a faite.
    — C’est cela même, dit Don Fernando avec un air de
contentement.
    — Mais, dis-je, ce gros madrier ne sera-t-il pas trop encombrant
dans la cellule de Sa Majesté, laquelle, à ce qui me fut dit, comporte jà
un grand reposoir sur lequel sont placées les reliques de sa prédilection…
    — Lesquelles sont changées tous les jours, dit Don
Fernando non sans quelque piaffe, Sa Majesté voulant les voir toutes l’une
après l’autre. Pour l’encombrement du madrier, poursuivit-il, cela est vrai,
mais le moyen de faire autrement ! Comment désobéir à
Sa Majesté ? Et comment lui refuser une dernière joie ?
    — Une joie ? dit La Surie, quand je lui eus
dit ma râtelée de cette conversation. Quel homme est-ce là qui peut contempler
avec joie le bois de son futur cercueil ? Et quelle sorte de religion est
la sienne qui se nourrit de reliques, d’idoles, de brimborions et de morceaux
de bois ?
    Comme dés au jeu, l’arbre du paradis roula sur le
tapis deux jours plus tard, Fogacer étant présent. Et La Surie répétant à
la fureur ses aigres propos, l’abbé les releva.
    — Hé, Chevalier ! lui dit-il, si ce madrier
console le roi, laissez-lui sa consolation ! Ce malheureux agonise depuis
cinquante jours dans un atroce pâtiment. Il pourrit et se putréfie de son
vivant même, tourmenté par des médecins ignares qui lui défendent de boire et
auxquels il obéit.
    — Mais pourquoi leur obéit-il ? criai-je,
puisqu’il se sait perdu ?
    — Parce que, mi fili, cet archiduc autrichien a
toujours obéi à son père, à ses régents, à ses confesseurs. En outre, il a peu
d’esprit, mais il en a assez pour savoir qu’il en a peu, et de crainte
d’erreur, il a mis ses pas dans les pas de ses maîtres. À cela s’est borné son
propos. Il a voulu tout scrupuleusement conserver : l’empire de Charles
Quint et l’Église catholique…
    — Mais, cornedebœuf ! dit La Surie, quelle
Église est-ce là ! Des reliques, des madriers, des oraisons récitées sur ordre !
    — Chevalier, dit Fogacer avec une gravité qui ne me
parut pas contrefeinte, observez, je vous prie, que le christianisme n’a pu
survivre qu’en devenant politique. Et en devenant politique il n’a pu que…
    — Se corrompre ? dit La Surie.
    — Se modifier, car de source claire et pure qu’il était
de prime, il est meshui un grand fleuve.
    — Qui charrie beaucoup de choses, dit
La Surie : des abus, des superstitions, des pratiques douteuses…
    À cela, Fogacer hocha la tête à deux ou trois reprises.
    — Mais qui dira, murmura-t-il à la parfin, ceux qui ont
le plus perdu ? les huguenots qui les ont ôtées ou les catholiques qui les
ont voulu conserver ?
    — Je ne sais, dis-je. À Rome, le papisme ne m’a pas
offusqué. Certes, j’y ai encontré une religion plus cérémonieuse que fervente.
Cependant, le pape était bon homme assez. Mais céans, juste ciel, je n’ai vu
que la pure ponte du poulailler de cagoterie !
    — Preuve, dit Fogacer, s’il en était besoin, qu’il
n’est de bonne religion que de bonnes gens. Et encore, touchant Felipe, vous ne
savez pas tout. N’était que je n’ose ajouter à l’odeur de hareng qu’on renifle
céans…
    — À laquelle, dit La Surie, vous n’êtes devenu
sensible qu’en devenant prêtre. Il doit y avoir un charme dans cette
robe !
    — C’est bien pourquoi je tiens à grand honneur de la
porter, dit Fogacer d’un ton quelque peu piqué.
    — Voulez-vous dire, dit La Surie, que de source
claire et pure que vous fûtes de prime…
    — Mais je ne fus jamais une source claire et pure, dit
modestement Fogacer.
    Toutefois, en baissant les yeux, il arquait son sourcil
diabolique.
    — Paix là, mon Miroul ! dis-je. Ces griffes-là
sont de trop ! Fogacer, vous alliez nous apprendre une chose de nous tout
à plein déconnue.
    — Oui-da, une disposition du testament de Felipe…
    — Et comment la connaissez-vous ? dis-je béant.
    — Ma robe, dit Fogacer, en faisant un petit salut de la
tête à
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