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La Papesse Jeanne

La Papesse Jeanne

Titel: La Papesse Jeanne
Autoren: Donna Cross
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chandelle au-dessus de la tablette
afin d’empêcher la cire de durcir trop vite.
    Elle aimait
regarder Matthieu lorsqu’il s’adonnait à l’étude. La pointe d’os de son style
transformait la cire lisse en guirlandes de symboles d’une mystérieuse beauté.
Rêvant de comprendre le sens de chaque signe, elle accompagnait intensément
chaque mouvement du style, comme si la forme des lettres recelait la clé de l’énigme.
    Matthieu reposa
son instrument, se redressa sur son tabouret et se frotta les yeux. Flairant l’opportunité,
Jeanne s’approcha de la tablette et montra un mot du doigt.
    — Qu’est-ce
que ça veut dire ?
    — Jérôme. C’est
le nom d’un des Pères de l’Église.
    — Jérôme,
répéta-t-elle lentement. Ce nom ressemble un peu au mien.
    — La
première et la dernière lettre sont identiques, admit Matthieu avec un sourire.
    — Montre-moi
mon nom.
    — Père
serait furieux.
    — Il n’en
saura rien. S’il te plaît, Matthieu. Je veux savoir. Peux-tu me montrer ?
    Matthieu hésita.
    — Je suppose
qu’il n’y a rien de mal à t’apprendre à écrire ton nom. Cette connaissance
pourra t’être utile quand tu seras mariée et maîtresse de maison.
    Plaçant sa main
sur celle de sa sœur, il l’aida à tracer les lettres de son nom en latin :
J-O-H-A-N-N-A.
    — Bien.
Maintenant, essaie toute seule.
    Jeanne serra le
style et força ses doigts à adopter la même position que ceux de son frère,
afin qu’ils puissent à leur tour tracer les signes gravés dans sa mémoire. Au
bout d’un moment, voyant qu’elle ne parvenait pas à diriger le style à sa
guise, elle eut un sanglot de frustration.
    Matthieu la
consola.
    — Doucement,
petite sœur. N’oublie pas que tu n’as que six ans. L’écriture ne vient pas facilement
à ton âge. J’ai commencé à six ans moi aussi, et j’ai eu beaucoup de mal. Sois
patiente. Tu réussiras avec le temps.
     
     
    Le lendemain,
Jeanne se leva de bonne heure et sortit de la maison. Dans la terre molle qui
bordait l’enclos à cochons, elle dessina et redessina les lettres de son nom,
jusqu’à être sûre de les avoir bien formées. Quand ce fut fait, elle appela
Matthieu pour lui montrer son œuvre.
    — C’est très
bien, petite sœur. Excellent. Mais il ne faut pas que Père voie ceci.
    De la semelle, il
effaça les marques sur le sol.
    — Non,
Matthieu ! s’écria Jeanne, tentant de le repousser.
    Troublés par ses
cris, les cochons grognèrent en chœur.
    Matthieu se
pencha et la serra dans ses bras.
    — Ce n’est
rien, petite sœur. Ne sois pas triste.
    — Mais... Tu
viens de me dire toi-même que mes lettres étaient bonnes !
    — Elles le
sont, répondit Matthieu, surpris de constater que l’écriture de sa sœur était
meilleure que celle de Jean, qui avait pourtant trois ans de plus qu’elle. Mais
je ne veux surtout pas que Père les voie. C’est pour cette raison que je les ai
effacées.
    — Tu m’apprendras
d’autres lettres, n’est-ce pas, Matthieu ?
    — Je t’en ai
déjà montré plus que je n’aurais dû.
    — Père ne
saura rien, assura-t-elle d’un ton grave. Je ne lui en dirai pas un mot, je te
le promets. Et j’effacerai toutes mes lettres chaque fois que j’aurai fini.
    Elle darda sur
lui son regard gris-vert. Matthieu finit par céder. Sa petite sœur savait
assurément se montrer persuasive. Il lui pinça la joue.
    — Très bien.
Mais souviens-toi : tu devras toujours garder notre secret.
     
     
    Les leçons, par
la suite, devinrent une sorte de jeu. Dès que l’occasion se présentait, ce qui
n’arrivait pas aussi souvent que Jeanne l’aurait voulu, Matthieu lui montrait
comment tracer des lettres dans la terre. Jeanne était une élève avide d’apprendre.
Bien qu’inquiet des éventuelles conséquences de son enseignement, Matthieu
était incapable de résister à son ardeur. Lui aussi aimait apprendre. La
passion de Jeanne lui allait droit au cœur.
    Cependant, il fui
scandalisé le jour où elle vint le trouver en portant l’énorme Bible
paternelle, reliée de bois.
    — Que
fais-tu ? s’écria-t-il. Va tout de suite la remettre à sa place ! Tu
n’aurais jamais dû poser tes mains dessus.
    — Apprends-moi
à lire.
    — Quoi ?
lâcha-t-il, stupéfait de son audace. Voyons, Jeanne, tu m’en demandes beaucoup
trop !
    — Pourquoi ?
    — Eh bien...
Pour commencer, lire est mille fois plus difficile qu’apprendre l’alphabet. Je
doute que
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