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La nef des damnes

La nef des damnes

Titel: La nef des damnes
Autoren: Viviane Moore
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aussi, vous charger d’une missive à l’attention de l’abbé du Thoronet, fît l’officier en lui tendant le second parchemin. Il y a à Toulon un marchand qui pourra se charger de F acheminement. J’ai écrit son nom sur le revers.
    — Vous ne comptez donc pas quitter l’île ? demanda Magnus le Noir.
    — Vous n’avez plus d’abbé et vous n’êtes plus que sept moines au lieu des douze requis, pour le bon fonctionnement d’une abbaye fille, ajouta l’Oriental.
    — C’est vrai, répondit Osmond. Mais dès que nous serons le nombre requis, nous procéderons à une nouvelle élection. Pour l’instant, nous autres officiers formons un conseil des anciens, et c’est ce conseil qui dirige le Castelas.
    — Nous comptions vous proposer de vous déposer à Toulon, insista Hugues. Et que ferez-vous du pauvre Jean ?
    — La mer n’est pas sûre, mes frères, renchérit Harald. Encore aujourd’hui, un de mes guetteurs a repéré un navire barbaresque non loin de l’archipel.
    — Que peut-il nous arriver de pire que ce que nous venons de connaître ? Non, messire. Non, capitaine. Nous prendrons soin de notre frère Jean et peut-être un jour, grâce à Dieu et à nos soins, il retrouvera ses esprits. Quant à l’abbé du Thoronet, il a pensé qu’il fallait un bouclier de prières en cet endroit de la terre, nous ne le décevrons pas. N’est-ce pas, mes frères ?
    Les moines approuvèrent, Dreu le premier.
    — Vous êtes des hommes courageux, déclara Magnus. Et vos messages arriveront à vos frères cisterciens.
    — Sans doute, l’abbé nous enverra de nouveaux frères et peut-être même un abbé avec lequel nous bâtirons le scriptorium de frère Dreu. Mais vous-mêmes, comment ferez-vous pour regagner la côte sans votre pilote ?
    — Je me fais fort de les guider jusqu’à Toulon, jeta Pique la Lune, et une fois là-bas, nous trouverons bien un gars capable de nous mener jusqu’à Syracuse.
    Le vin et la bonne chère aidant, le repas se poursuivit presque gaiement, puis tout le monde se sépara après force adieux. Les bateaux lèveraient l’ancre à l’aube.
    — Je prierai pour vous, fit frère Dreu, les yeux humides, en serrant les mains d’Hugues dans les siennes. Vous me manquerez, messire.
    — Vous aussi, frère Dreu. Que Dieu vous garde.
    — À Dieu, damoiselle Eleonor.
    — À Dieu, mon frère, répondit-elle en embrassant le moine sur les deux joues.
    Le frère devint écarlate, bafouilla un dernier au revoir. Les religieux refermèrent la poterne derrière eux. Guerriers et marins s’éloignèrent sur la sente menant vers l’anse de l’Avis. L’appel des guetteurs signala leur approche. Les guerriers restés au camp vinrent faire leur rapport au jarl qui rejoignit sa tente avec Hakon. Dans les taillis brillaient les premières lucioles. Les bateaux évitaient doucement sur leurs ancres. On entendait le murmure des hommes qui s’enveloppaient dans leurs couvertures et s’allongeaient autour des feux dont les flammes se perdaient en myriades d’étincelles vers le ciel.
    Hugues et Eleonor allèrent s’asseoir côte à côte sur le sable, le grand chien à leurs pieds.
    Ni l’un ni l’autre n’avait envie de dormir. Ils savaient que le voyage allait reprendre et qu’il les conduirait vers la Sicile et leur séparation. Ils le savaient tous deux et ce soir, sur la grève, muets devant la splendeur de la lune ruisselant sur la mer, ils voulaient l’oublier.

 
    CHARYBDE ET SCYLLA

 
    55
    Les navires normands avaient depuis longtemps laissé Toulon et le nord de l’Italie derrière eux quand le Bigorneau vint tourner autour d’Hugues.
    Celui-ci, debout aux côtés d’Eleonor, ne parut pas remarquer sa présence ni celle de Bertil. Il fixait le Vésuve dont il apercevait le sommet souligné de hautes fumerolles.
    — Il était en éruption, il y a quelques années, déclarait-il à la jeune femme qui n’avait de sa vie vu un volcan et ouvrait de grands yeux. C’était en 1139, je crois. Des colonnes de feu escaladaient le ciel.
    — J’ai peine à imaginer une montagne crachant du feu, déclara Eleonor, émerveillée.
    — Pourtant, je vous fais promesse que vous en verrez une avant la... fin de ce voyage.
    Sur ces mots, Hugues se tut, se maudissant d’avoir évoqué ce qu’ils redoutaient tous deux. Chaque escale, chaque port, les rapprochait de la Sicile. Et les nouvelles de leur future patrie n’étaient pas bonnes.
    Abandonné par le
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