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La mort du Roi Arthur

La mort du Roi Arthur

Titel: La mort du Roi Arthur
Autoren: Jean Markale
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chevaliers que j’ai tués se trouvassent dans cette salle, accompagnées de lettres authentifiant ma responsabilité ! Ainsi serais-tu obligé de croire ce que s’efforcent de nier des jaloux qui s’imaginent plus valeureux que moi, quoiqu’ils ne t’aient pas si bien servi que je l’ai fait, moi, depuis toujours ! – Calme-toi, Kaï, dit le roi, je n’ai jamais mis tes paroles en doute. Viens là. »
    Kaï s’en vint près d’Arthur jusqu’à la table sur laquelle le coffret avait été posé. Il le saisit avec assurance, une main dessus, une main dessous ; le coffret s’ouvrit sur-le-champ, et chacun aperçut la tête qui gisait à l’intérieur. Une odeur très douce et très suave s’exhalait du coffret, qui se répandit par toute la salle. « Roi, reprit Kaï, j’ai accompli bien des exploits à ton service, tu le vois : ni toi ni aucun de ces chevaliers à qui tu portes une si grande estime n’avez été capables d’ouvrir ce coffret, et ce n’est pas grâce à eux que tu aurais pu savoir ce qu’il contenait. » La jeune fille intervint alors : « Seigneur, dit-elle au roi, fais donc lire la lettre qui se trouve dans le coffret. On saura ainsi qui était ce chevalier, à quel lignage il appartenait et dans quelles circonstances il a péri. » Le roi, qui était assis près de la reine, fit appeler son chapelain et lui demanda de bien vouloir lire à haute voix le contenu de la lettre.
    Le chapelain brisa le sceau et déroula la lettre. Mais à peine eut-il pris connaissance du message qu’il se mit à soupirer. « Seigneur, dit-il au roi, voici de tristes nouvelles. Cette lettre affirme que le chevalier dont le coffret contient la tête se nommait Lohot et qu’il était ton fils {8} . Voilà deux semaines, il a tué le redoutable géant Logrin grâce à son courage et à sa vaillance. C’est alors que le sénéchal Kaï passa par là et découvrit Lohot endormi sur le corps de Logrin, car telle était son habitude : il s’endormait sur le corps de tout adversaire qu’il venait de tuer. Et le sénéchal, désireux de mettre à profit cette circonstance pour se distinguer, décida de couper la tête du géant et de la rapporter à la cour comme preuve qu’il avait lui-même vaincu le monstre. Mais, dans sa précipitation, il fit un faux mouvement et trancha également la tête du malheureux Lohot. Voilà ce que dit cette lettre, seigneur roi. »
    À cette révélation, Lancelot, Gauvain et tous les compagnons présents furent saisis de tristesse et demeurèrent silencieux un long moment. Quant à Arthur, il sentit son cœur étreint d’une grande angoisse, et les larmes coulèrent sur son visage. Puis il se redressa, regarda Kaï et s’écria d’un ton plein de colère : « Kaï, si je n’avais juré à ton père qui fut aussi mon père nourricier de te protéger et de te garder auprès de moi comme un frère, je crois qu’aujourd’hui je t’aurais fait voler la tête d’un coup de mon épée ! Que de malheurs et de déconvenues m’auront valus ta légèreté et tes prétentions à être le meilleur chevalier du monde ! Sache que je ne te pardonnerai jamais le tort que tu viens de m’infliger ! » Et sur ces paroles, il se leva et sortit de la salle.
    Dans sa honte et sa confusion, Kaï, ne sachant comment se tirer d’embarras, s’en prit violemment à la jeune fille qui avait apporté le coffret. « Maudite sois-tu, messagère du diable ! s’écria-t-il. Si j’ai commis une maladresse, cette maladresse me pèse lourdement, et il était inutile d’en informer tout le monde de cette manière ! – Kaï, répliqua la jeune fille, je devais dévoiler la vérité et, ce faisant, je me suis bien vengée de toi ! Tu as oublié qu’un jour j’étais venue à la cour demander qu’un chevalier prît ma défense contre mes ennemis. Or, tu m’as raillée et insultée, prétendant que les compagnons de la Table Ronde avaient autre chose à faire que de réconcilier les putains avec leurs pratiques. Par bonheur pour moi, cette cour ne comporte pas que des hâbleurs de ton espèce, et le chevalier Yvain, fils du noble roi Uryen, n’a pas hésité à me secourir. Mais, ce jour-là, j’avais décidé de me venger et de t’humilier à la première occasion. » Alors, sans ajouter une parole, la jeune fille sortit à son tour, laissant Kaï tout penaud au milieu de ses compagnons {9} .
    Le roi Arthur, cependant, allait et venait dans la prairie qui
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