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La mort du Roi Arthur

La mort du Roi Arthur

Titel: La mort du Roi Arthur
Autoren: Jean Markale
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l’ensemble du cycle épique qui lui est consacré et où, rarement en campagne, il se contente d’envoyer ses chevaliers – ses « guerriers », plutôt – accomplir des exploits en son nom et au nom de la reine.
    Même décrit sous un aspect capétien, ou plutôt Plantagenêt, le roi Arthur voit toujours peser sur sa personne bon nombre d’obligations et d’interdits celtiques, entre autres le fameux « don contraignant » : si un solliciteur lui demande un don, il doit l’accorder sans savoir de quoi il s’agit, engagement qui peut entraîner des situations inextricables. Il est aussi contraint à tenir cour plénière à certaines fêtes, mais il lui est interdit d’ouvrir le festin avant que ne survienne une « aventure », car « telle est la coutume »… Chose également remarquable, le fait que son successeur normal doit être l’aîné de ses neveux, fils de sa sœur, en l’occurrence Gauvain, rappelle la filiation matrilinéaire de l’ancienne société celtique. Enfin, il est sous le coup d’un interdit majeur, celui de l’inceste. Or, cet inceste, il l’a commis, fût-ce involontairement, puisqu’il ignorait que l’épouse du roi Loth d’Orcanie était sa sœur. Arthur en paiera durement les conséquences, et tout le royaume avec lui, puisque tous deux ne font qu’un.
    Certes, à reprendre les données les plus fiables concernant l’Arthur historique, on s’aperçoit que le combat entre Arthur et Mordret, daté en 537 par les Annales de Cambrie et en 541 par les Annales de Tigernach , n’a été que l’aboutissement de la rivalité surgie entre deux « chefs de guerre » à propos de leurs zones d’influence et probablement aussi d’une femme qu’ils se disputaient, péripétie largement prouvée par les nombreux « enlèvements » de la reine Guenièvre dans l’ensemble de la légende {7} . Mais en devenant, dans l’imaginaire collectif, un héros mythologique, voire un dieu, Arthur s’est inévitablement chargé d’éléments symboliques appartenant au fonds traditionnel. Le combat d’Arthur et de Mordret ne pouvait plus rester un incident de parcours, il devait prendre une dimension cosmique, devenir une lutte entre la lumière et l’ombre, le bien et le mal, l’ordre et le désordre. Or, le désordre, Arthur lui-même en était responsable, pour avoir transgressé l’interdit d’inceste.
    De plus, on observe dans tous les récits celtiques irlandais que la transgression d’un seul interdit par un roi ou un héros entraîne inévitablement, à plus ou moins longue échéance, la transgression de tous les autres et par là même une fin nécessairement tragique. Arthur a toléré un désordre à sa cour, à savoir l’adultère de Lancelot et de Guenièvre, mais la dénonciation de cet adultère est imputable à son neveu Agravain, lequel agit par jalousie. Arthur tente donc de rétablir l’ordre et apaise littéralement une querelle entre deux de ses serviteurs, chose qu’il ne devait pas se permettre : ainsi son sort est-il scellé, et le royaume craque de partout. Arthur perd ses plus fidèles soutiens, perd ses héritiers présomptifs les uns après les autres : seul lui reste Mordret, celui hélas ! qui ne devait pas être… Le piège se referme sur Arthur.
    Ce destin, d’autres héros celtes l’ont subi avant lui, tels Conairé le Grand, le célèbre Cûchulainn, ou Finn, roi des Fiana . Et tous ont été vengés. Le cas d’Arthur ne fera pas exception. Lancelot et le clan des Armoricains passeront la mer, tueront les fils de Mordret en expiation du sacrilège ; mais ni lui-même ni les siens n’assumeront le pouvoir sur l’île de Bretagne : ils repartiront et finiront leur vie dans la méditation, hors de toute action. Tout se passe comme si les auteurs des récits arthuriens avaient voulu montrer la décadence du royaume insulaire de Bretagne : désormais, c’est dans la nouvelle Bretagne, l’Armorique, que se trouve la souveraineté. Il faut certainement voir là une allusion à la mainmise des Plantagenêts sur l’Armorique au XII e  siècle et à leur expulsion de la péninsule au XVIII e . Mais le fait est là : la souveraineté réside désormais sur le continent. Cependant, elle est réfugiée dans le silence et l’ombre. L’épée d’Arthur a été reprise par la Dame du Lac, laquelle en est certes la gardienne, mais sous les eaux , c’est-à-dire dans l’inconscient. Qui aura le courage de chercher cette épée ?
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