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La Marquise de Pompadour

Titel: La Marquise de Pompadour
Autoren: Michel Zévaco
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puis, prenant Jeanne par la main, la fit asseoir sur un vieux tronc de hêtre, jeté bas par quelque tempête… et s’assit lui-même près d’elle.
    Il la contempla une minute avec une profonde tendresse, tandis qu’elle lui souriait.
    – Mon enfant, dit-il enfin, as-tu conservé pour moi quelque affection malgré mes longues absences ?
    Elle appuya sa tête sur l’épaule de celui qu’elle appelait son oncle, et, les yeux à demi fermés, le regard perdu au loin vers des souvenirs d’enfance :
    – J’avais cinq ans lorsque vous êtes parti pour les Indes, mon bon oncle ; mais il m’en souvient comme d’hier… Vous m’avez prise sur vos genoux, ma tête contre votre poitrine… et nous sommes restés longtemps ainsi… je sentais sur mes cheveux comme des gouttes de rosée tiède, et lorsque je vous regardai, je vis que cette rosée, c’étaient vos larmes… la rosée de votre affection… Et je ne puis vous dire combien ma petite âme fut émue… mais ce dut être bien profond, puisque, aujourd’hui encore… quand un ennui secret m’assombrit le cœur, c’est dans ce cher souvenir que je me réfugie…
    – Antoinette !… Ma petite Toinon chérie !…
    – Puis, continua Jeanne-Antoinette, vous êtes revenu deux ans plus tard. Et à la grande joie qui m’inonda d’une lumière caressante, je compris combien vous m’étiez cher… Puis, de nouveau, vous avez fui vers les pays lointains… allant, revenant, ne demeurant jamais plus de trois mois près de nous… Les années se sont écoulées… Quand vous étiez au loin, je me sentais seule au monde, et souvent je me demandais quelle inquiétude, quel chagrin puissant vous chassaient de Paris… Lorsque vous étiez là, au contraire, je me sentais rassurée comme près d’un père…
    M. de Tournehem tressaillit violemment.
    – Qu’avez-vous, mon bon oncle ?…
    – Rien… continue, enfant, dit sourdement M. de Tournehem.
    – Et puis, je voyais bien que, de loin comme de près, vous m’aimiez. Tout éloigné que vous étiez, vous vous occupiez de mon éducation… Maman Poisson recevait de vous de longues lettres où vous alliez jusqu’à indiquer vous-même quel maître à danser il fallait me donner… Par ces détails, je voyais votre tendresse, et la mienne s’augmentait de jour en jour… Ne vous devais-je pas tout, tout au monde ! Vous m’avez fait élever comme une princesse… j’ai appris la musique, la peinture et même la gravure, j’ai reçu des leçons de poésie, il n’est pas de grande dame qui puisse se flatter d’avoir eu autant de maîtres que moi… Mes caprices faisaient loi… les bijoux les plus précieux, je les avais. Vous aviez voulu faire de moi une petite fille parfaitement heureuse… Comment voulez-vous que je ne vous adore pas ?
    Elle jeta ses bras autour de son cou.
    – Enfant chérie ! murmura Tournehem. Ainsi… tu es vraiment heureuse ?…
    – Autant qu’on peut l’être depuis que vous êtes parmi nous pour toujours…
    – Oui, pour toujours maintenant… Car le grand chagrin qui m’éloignait de France, avec l’âge, s’est atténué dans mon cœur… Et quand même il y serait aussi vif que jadis, le moment est venu pour moi de ne plus te quitter… Voici que tu vas avoir dix-neuf ans, bien que tu en paraisses à peine seize… et puis l’heure a sonné de la confession…
    – Une confession !
    – Ou plutôt une histoire que tu dois connaître, c’est nécessaire !
    – Je vous écoute, mon bon oncle…
    – Eh bien, il y a vingt ans, j’ai connu un jeune écervelé qui s’appelait… Armand. C’était l’un des fidèles de monseigneur le Régent ; toutes les folies, toutes les orgies, toutes les fêtes, sérénades, bals masqués, enlèvements, duels, Armand était le fiévreux organisateur de ces tristes amusements où il engloutit la moitié de son énorme fortune et que récompensait seulement un sourire du Régent… Mais tout cela n’était que folie de jeunesse… bientôt Armand devait en arriver au crime.
    – Le crime ! murmura Jeanne en pâlissant.
    – Il n’est pas d’autre nom pour l’infamie d’Armand. Ecoute, mon enfant. Tu es d’âge à tout entendre, et ton esprit supérieur te met au-dessus des fausses pudeurs. Armand n’avait eu jusque-là que des liaisons. Il eut alors une maîtresse. Elle s’appelait Jeanne… oui, Jeanne… comme toi !… Elle était pauvre, de bourgeoisie tombée dans la misère à la suite des
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