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La jeune fille à la perle

La jeune fille à la perle

Titel: La jeune fille à la perle
Autoren: Tracy Chevalier
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tes
tâches. » Là-dessus, elle me laissa à la lessive. Avec moi, nous étions
dix à la maison, dont un bébé qui se salissait plus que nous tous. Chaque jour,
je devrais faire la lessive, l’eau et le savon me crevasseraient les mains,
j’aurais le visage tout rouge à force de me pencher au-dessus de la lessiveuse
bouillonnante, j’aurais les bras brûlés par le fer à repasser. Mais j’étais
nouvelle et j’étais jeune, aussi devais-je m’attendre à ce que l’on me donne
les tâches les plus dures.
    Le linge devrait tremper
pendant une journée avant que je puisse le laver. Dans le débarras par lequel
on accédait à la cave, je trouvai deux brocs en étain et une bouilloire en
cuivre. Je pris les brocs et suivis le long couloir jusqu’à l’entrée de la
maison.
    Les fillettes étaient toujours
assises sur le banc.
    C’était au tour de Lisbeth de
souffler les bulles de savon car Maertge donnait au jeune Johannes du pain
trempé dans du lait. Cornelia et Aleydis couraient après les bulles. En me
voyant, toutes s’arrêtèrent et me regardèrent non sans certaine curiosité.
    « Vous êtes la nouvelle
servante ? déclara la rouquine.
    — Oui, Cornelia. »
    Cornelia ramassa un caillou et
le lança, il traversa la rue et alla finir sa course dans le canal. Elle avait
le bras tout griffé, elle avait, sans aucun doute, taquiné le chat de la
maison.
    « Où allez-vous
dormir ? s’enquit Maertge, en essuyant ses doigts pleins de bouillie sur
son tablier.
    — À la cave.
    — Nous aimons bien la
cave, dit Cornelia. Tiens, si on allait y jouer ? »
    Elle se précipita dans la
maison, mais n’alla pas bien loin : voyant que personne ne la suivait,
elle revint vers nous, l’air mécontent.
    « Aleydis, dis-je en
tendant la main à la benjamine, pourriez-vous me montrer à quel endroit je peux
descendre chercher de l’eau au canal ? »
    Elle me prit la main, leva la
tête et me regarda. Ses yeux gris brillaient comme deux pièces de monnaie. Nous
traversâmes la rue, Cornelia et Lisbeth nous suivaient. Aleydis m’amena à un
escalier qui descendait jusqu’à l’eau. Tandis que nous nous penchions pour
repérer l’endroit, je serrais bien fort sa main, comme je serrais jadis celles
de Frans et d’Agnès dès que nous étions près de l’eau.
    « Ne vous approchez pas du
bord », ordonnai je. Obéissante, Aleydis recula. Cornelia, elle, me suivit
alors que je descendais les brocs.
    « Franchement, Cornelia, vous
avez l’intention de m’aider à porter les brocs d’eau ? Sinon, allez
rejoindre vos soeurs. » Elle me regarda, puis elle commit une erreur
fatale. Si elle avait haussé les épaules ou si elle avait hurlé, passe encore,
j’aurais su que je l’avais matée. Mais elle se mit à rire.
    Je tendis la main et la giflai.
Son visage devint écarlate, mais elle ne pleura pas. Elle remonta les marches
en courant. Aleydis et Lisbeth me regardèrent, l’air grave.
    J’eus alors le pressentiment
qu’il en serait de même avec sa mère, à la seule différence qu’elle, je ne
pourrais pas la gifler.
    Je remplis les brocs et les
rapportai en haut des marches. Cornelia s’était éclipsée. Maertge était
toujours assise avec Johannes. J’emportai un des brocs à la cuisine où
j’allumai un feu, puis je remplis la bouilloire en cuivre et la mis à chauffer.
    Quand je revins, Cornelia avait
réapparu, son visage était encore rouge. Ses soeurs et elle jouaient avec des
toupies sur les dalles grises et blanches. Aucune ne leva la tête pour me
regarder.
    Le broc que j’avais laissé
n’était plus là. Je l’aperçus qui flottait, retourné, à hauteur des marches,
tout juste hors de ma portée.
    « Oui, vous me donnerez du
fil à retordre ! » murmurai-je. Je cherchai en vain un bâton pour me
permettre de récupérer le broc. Je remplis à nouveau l’autre, le rapportai à
l’intérieur, détournant la tête pour que les fillettes ne voient pas mon
visage. Je le posai sur le feu à côté de la bouilloire, puis je ressortis,
cette fois avec un balai.
    Cornelia lançait des pierres
sur le broc, sans doute dans l’espoir de le faire couler.
    « Je vous giflerai encore
une fois si vous n’arrêtez pas ça.
    — Et moi je le dirai à
notre mère. Les servantes n’ont pas le droit de nous gifler. » Cornelia
lança un autre caillou.
    « Vous voulez que j’aille
raconter à votre grand-mère ce que vous avez fait ? »
    Le visage de Cornelia refléta
une
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