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La jeune fille à la perle

La jeune fille à la perle

Titel: La jeune fille à la perle
Autoren: Tracy Chevalier
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alignées par ordre de taille, de
l’aînée, sans doute de l’âge d’Agnès, à la benjamine, environ quatre ans. Une
de celles du milieu tenait sur ses genoux un bon gros bébé qui devait sans
doute ramper et trotterait d’ici peu.
    Cinq enfants, pensai-je, et un
autre pour bientôt.
    L’aînée soufflait des bulles de
savon à l’aide d’une coquille fixée au bout d’un bâtonnet évidé, me rappelant
un jouet que mon père avait improvisé pour nous. Ses soeurs bondissaient pour
crever les bulles sitôt qu’elles apparaissaient. La fillette qui tenait le bébé
ne pouvait guère bouger, aussi n’attrapait-elle qu’une bulle par-ci par-là,
bien qu’elle fût assise à côté de celle qui les soufflait. La plus jeune, qui,
de par sa taille, était aussi la plus éloignée, n’avait aucune chance
d’atteindre les bulles, en revanche, celle qui la précédait en âge était la
plus vive de toutes, elle se précipitait après les bulles et refermait
prestement ses paumes autour d’elles. Elle avait la chevelure la plus
flamboyante des quatre, aussi rousse que le mur de brique derrière elle. La
plus jeune et celle qui tenait le bébé étaient aussi blondes et frisées que
leur mère, tandis que l’aînée était du même roux que le père.
    Je regardai la fillette aux
cheveux cuivrés attraper les bulles et les crever au moment où elles allaient
éclater sur les dalles grises et blanches disposées en diagonale devant la
maison. Elle me donnera du fil à retordre, celle-là, pensai-je. « Mieux
vaudrait les crever avant qu’elles atteignent le sol, sinon il faudra relaver
ces dalles. »
    L’aînée baissa le bâtonnet.
Quatre paires d’yeux me regardèrent avec ce même regard qui ne laissait planer
aucun doute sur leur parenté. Je retrouvai chez elles divers traits de leurs parents,
yeux gris par-ci, yeux noisette par-là, visages anguleux, gestes impatients.
    « Vous êtes la nouvelle
servante ? demanda l’aînée.
    — On nous a demandé de
vous guetter, interrompit la fille à la chevelure écarlate sans même me donner
le temps de répondre à sa soeur.
    — Cornelia, va chercher
Tanneke, lui demanda l’aînée.
    — Vas-y toi,
Aleydis », ordonna à son tour Cornelia à la benjamine. Cette dernière me
regarda avec de grands yeux gris mais ne bougea pas.
    « J’y vais. » L’aînée
avait dû estimer qu’après tout mon arrivée était importante.
    « Non, j’y vais
moi. » Cornelia se leva d’un bond, devançant sa soeur aînée, me laissant
seule avec les deux fillettes les plus calmes.
    Je regardai le bébé, il se
tortillait sur les genoux de son aînée. « C’est un petit frère ou une
petite soeur ?
    — Un petit frère, répliqua
la fillette, d’une voix aussi douce et moelleuse qu’un oreiller en plumes. Il
s’appelle Johannes. Ne l’appelez jamais Jan. » Elle dit ces derniers mots
comme s’il s’agissait là d’un refrain familier.
    « Je vois. Et vous,
comment vous appelez-vous ?
    — Lisbeth. Et elle, c’est
Aleydis. » La benjamine me sourit. Les quatre soeurs portaient de jolies
robes marron, des coiffes et des tabliers blancs.
    « Et votre soeur aînée,
comment s’appelle-t-elle ?
    — Maertge. Surtout ne
l’appelez jamais Maria. Maria, c’est le nom de notre grand-mère. Maria Thins.
La maison est à elle. »
    Le bébé se mit à pleurnicher.
Lisbeth le fit sauter sur ses genoux.
    Je regardai la maison. Elle
était certes plus imposante que la nôtre, mais elle était moins impressionnante
que je ne l’avais craint. Elle avait deux étages et un grenier, alors que la
nôtre n’avait qu’un étage et un grenier minuscule. Située à l’angle de
Molenpoort, elle paraissait un peu plus spacieuse que ses voisines, moins à l’étroit
que de nombreuses maisons de Delft prises dans ces enfilades de façades en
brique longeant les canaux, dont les cheminées et les toits en gradins se
reflétaient dans l’eau verte. Les fenêtres du rez-de-chaussée étaient très
hautes et on apercevait, au premier étage, trois fenêtres serrées les unes
contre les autres, alors que les autres maisons de la rue n’en avaient que
deux.
    La tour de la Nouvelle-Église
était juste en face de la maison, le canal l’en séparait. Une drôle de vue pour
une famille catholique, qu’une église dans laquelle ils ne mettront jamais les
pieds, pensai-je.
    « Alors, c’est vous la
servante, n’est-ce pas ? » entendis-je derrière moi.
    La
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