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La guerre des rats(1999)

La guerre des rats(1999)

Titel: La guerre des rats(1999)
Autoren: David Robbins
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pas son fusil mais qu’il assurerait sa part. Un des soldats le remercia et lui tendit son Mauser.
    Nikki prit l’arme et sortit. Il n’avait pas tenu d’arme depuis un mois, depuis qu’il avait porté le fusil de Thorvald. Il eut l’impression d’avoir de nouveau saisi un maillon d’une chaîne maléfique et sans fin, une succession de fusils, d’épées, de couteaux, d’arcs, de pieux, de massues remontant dans le temps. Il vit des corps jonchant le sol, dix milliards de corps éparpillés à travers le temps, le long d’une clôture de barbelés éternelle. Il tint le fusil à bout de bras. Regarde cette chose. Du métal et du bois, rien de plus. Mais c’est aussi une porte par laquelle peuvent s’engouffrer le diable, la mort, tout ce qui hait l’homme et la vie. Étonnant ce que cette chose peut faire, étonnant ce que nous en faisons. Nikki appuya l’arme contre le mur, se tourna et marcha vers une fenêtre donnant sur une cour d’usine.
    Penché au-dehors, il s’imprégnait du calme de cette nuit de Noël quand une explosion baigna soudain les murs d’une lumière rouge. Une gerbe verte s’y ajouta, et les deux couleurs se mêlèrent, bientôt rejointes par des traînées blanches ou ambrées. Des centaines de fusées montaient dans le ciel, le sillonnaient de leurs queues étincelantes.
    Nikki courut vers l’escalier, grimpa deux étages pour mieux voir. Dans un gigantesque demi-cercle s’étirant de l’Orlovka, au nord-est, à la gorge de la Tsaritsa, les soldats allemands illuminaient la nuit pour saluer Noël. Le spectacle était effrayant et beau, comme les bords d’un volcan entrant en éruption alors que le centre du cratère reste noir. Le cercle de feu coloré traçait dans le ciel les limites du Kessel.
    Tout bougeait autour de Mond. Ses mains, ses joues semblaient danser dans les éclairs de couleur. Au bout de quelques minutes, les lumières s’estompèrent lentement, comme à contrecœur, et moururent.
    Le silence retomba sur la ville, plus profond. Nikki se détourna de la fenêtre. Par la vitre cassée, le vent porta des voix d’hommes.
    « O Tannenbaum, O Tannenbaum, wie grün sind deine Blätter… »
    Le chant s’amplifia, se répandit dans tout le Chaudron comme le feu d’artifice, l’instant d’avant. Nikki se mit à chanter lui aussi. Joignant sa voix à celles d’autres, invisibles, il songeait : Nous sommes en train de mourir dans ce cercle, mais là-haut, où nous envoyons ce chant, au-delà des nuages, dans un lieu que touche uniquement la lumière de la lune et des étoiles, c’est un beau Noël…
    Nikki se réveilla en sursaut dans son coin. Ses jointures gémirent. Pendant la nuit, le sol glacé avait eu raison de sa souplesse. Il faisait beaucoup plus froid que la veille.
    En boitillant, il se dirigea vers une fenêtre par où les soldats se soulageaient. Il déboutonna son pantalon, tourna le regard vers l’est, en direction de la Volga. La neige zébrait le paysage comme du sel tombant d’une boîte. Le blizzard s’était levé dans la nuit. Dehors, le froid devait être mortel. Joyeux Noël à la Sixième Armée.
    Quand il eut terminé, il traversa la salle où les autres s’éveillaient. Des grognements traduisaient leur hantise de devoir affronter une nouvelle journée à Stalingrad. Nikki monta de nouveau l’escalier pour aller inspecter la steppe.
    Un rideau de neige barra sa vision. Pardessus les plaintes du vent, il entendit le grondement aisément reconnaissable de l’artillerie. Obus et roquettes pleuvaient sur le Chaudron en ce matin de Noël.
    Nikki et les autres arrachèrent le plancher pour faire un feu. Ils disposèrent des plaques de métal sur le sol pour fabriquer une sorte de brasero, firent brûler du bois au milieu. Le feu chauffait les mains et le visage de Nikki, dont le dos restait glacé. Vers la fin de l’après-midi, la tempête de neige se calma un peu.
    À la radio, la voix éraillée de Joseph Goebbels, ministre de la Propagande de Hitler, commentait les programmes de Noël pour l’armée, affirmant qu’ils étaient retransmis de tous les pays dominés par le Reich. Goebbels assura les auditeurs que tout allait pour le mieux dans le combat mené par les troupes nazies pour leur avenir.
    Sa voix aiguë s’élevait du petit poste comme les cris d’un aigle furieux. Il perd confiance, se dit Mond. Il met trop de force dans ses phrases, il assène les mots comme des balles, comme s’il voulait tuer quelqu’un
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