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La guerre des rats(1999)

La guerre des rats(1999)

Titel: La guerre des rats(1999)
Autoren: David Robbins
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vie, mais de la marjolaine et du poivre : à l’intention d’hommes qui tuaient des rats et des chiens pour les faire griller. Une fois, la Luftwaffe leur fit cadeau d’un millier de bottes droites, mais l’histoire préférée de Mond, c’était le parachutage au-dessus du Chaudron, en ce mois terrible, d’un million de préservatifs suédois soigneusement emballés.
    Nikki parlerait surtout de la fatalité. Chaque jour, un millier d’hommes mouraient dans la poche encerclée. Beaucoup succombaient aux blessures infligées par les Russes dans la steppe. D’autres avaient reçu une balle en combattant dans la ville. Mais, de loin, le plus grand nombre de ces morts que le caporal voyait empilés et protégés des cannibales par leurs camarades à la mine grave étaient tombés victimes du gel, du typhus, de la dysenterie ou de la faim. Il n’y avait plus de carburant pour alimenter les générateurs, pour remplir les réservoirs des chars et des camions. Comme cadeau de Noël aux deux cent cinquante mille hommes qui lui restaient, Paulus avait autorisé l’abattage des quatre cents derniers chevaux de la Sixième Armée, des bêtes dépérissant elles-mêmes d’épuisement et de faim. La fatalité s’acharnait sur tout ce qui restait en vie dans le Chaudron.
    Nikki songea au repas de fête qu’il avait partagé une heure plus tôt avec les hommes regroupés autour du poste de radio. Pour la première fois depuis des semaines, il avait l’estomac plein. Il évitait de penser à la provenance de ce qu’il avait avalé. On lui avait servi une portion de viande rouge et chaude relevée à la marjolaine, si grande qu’elle débordait de l’assiette. Il se leva avec lourdeur, comme il le faisait toujours après le festin du réveillon, chez lui, en Westphalie, passa dans l’atelier voisin.
    La salle avait un épais plancher de chêne, assez solide pour soutenir des machines de plusieurs tonnes. Des chaînes cascadant des murs et des poutres rouillées lui donnaient l’aspect d’un donjon. Les machines avaient été déboulonnées de leurs socles et emportées par les ouvriers évacuant la ville, des mois plus tôt. Il ne restait plus dans un coin qu’un tour à métaux devant lequel se tenait le sapeur rescapé de la steppe, une main sur le levier de commande.
    Mond s’approcha en silence, regarda la machine. Une plaque rivée sur le carter du moteur portait le nom du fabricant : Oscar Ottmund, Boblingen, Deutschland.
    Le soldat passa la main dessus en disant :
    — Chez moi, j’étais fraiseur.
    — Moi éleveur, dit Nikki.
    — J’ai jamais été à Boblingen. C’est chouette ?
    — Je ne sais pas. Je ne suis jamais allé très loin de la ferme. Les vaches ne prennent pas de vacances.
    — Je pourrais la faire marcher, cette bécane, tu sais. Je pourrais la faire chanter.
    Nikki lui tapota l’épaule. L’homme devait avoir à peu près le même âge que lui, mais la guerre les faisait tous paraître plus vieux.
    — Pas moi, répondit Mond en riant. Si ça ne fait pas meuh, si ça ne tire pas de balles, j’y connais rien.
    Le sapeur sourit. La guerre faisait d’eux des frères, aussi.
    Nikki chercha dans ses poches quelque chose à lui donner : c’était Noël. Il ne trouva rien.
    — C’était comment, dans la steppe ?
    La main du soldat glissa le long du tour, retomba.
    — Des Russes partout. Dix mille pièces d’artillerie, mille chars, un million d’hommes. On sait jamais où ils vont frapper le coup d’après. Ils surgissent du brouillard, de la neige, du ciel, de la terre. La steppe est pleine de ravines et de crevasses. On les dépasse en roulant, ils nous sautent dessus par-derrière. On se rend pas compte des distances à cause de la neige. Et toutes les nuits, musique… (Le sapeur se pinça le nez pour imiter une voix métallique sortant d’un haut-parleur.) « Soldats allemands, déposez les armes. La guerre est finie. Venez mangez chaud et vous abriter… » (Il sourit, lâcha son nez pour reprendre sa respiration, poursuivit.) « Manstein bat en retraite. Hitler vous a abandonnés. L’hiver vous a trouvés. Toutes les sept secondes, un soldat allemand meurt à Stalingrad. Un… deux… trois… » Sans arrêt, sans arrêt…
    Nikki comprenait. Des mois plus tôt, quand il avait entendu pour la première fois la propagande russe, elle lui avait paru stupide, facile à ignorer. Mais, à l’intérieur du Chaudron, toute offre de répit, même provenant d’un haut-parleur
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