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La grande déesse

La grande déesse

Titel: La grande déesse
Autoren: Jean Markale
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d’un retour au culte antique de la déesse mère, en quelque sorte d’une véritable « apostasie », donc d’une faute très grave à l’encontre de la religion de type patriarcal que représente Yahveh. « Le péché originel de la Bible peut donc bien être considéré comme le premier acte de cette longue lutte du Dieu père contre la déesse mère. Cette première chute, qui sera suivie par d’innombrables autres, sera d’ailleurs, tout comme les autres, sévèrement punie par le Dieu père 2 . » Et en dehors de l’expulsion d’Adam et Ève du Paradis terrestre, les malédictions prononcées par le Dieu père sont parfaitement révélatrices d’une réalité historique, sociologique et théologique.
    Il y a d’abord la malédiction contre le serpent, c’est-à-dire contre la déesse mère elle-même : le serpent est rejeté, condamné à ramper. (Faut-il comprendre qu’auparavant, il ne rampait pas  ? À la réflexion, le détail paraît bien étrange.) En outre, l’inimitié est jetée entre lui et la femme, autrement dit la femme non seulement n’aura plus le droit d’honorer la déesse – et de lui obéir –, mais encore elle devra lutter contre elle. Il y a ensuite le célèbre « Tu enfanteras dans la douleur », qui a causé bien des malentendus, y compris le refus, chez certaines personnes, de l’accouchement sans douleur. « Les femmes, prépondérantes jusque-là, de par leur fécondité qui les mettait en relation naturelle, biologique, avec la divinité, seront punies précisément dans ce qui faisait leur gloire : leur grossesse et leur maternité. Ce serait désormais sources de souffrances plutôt que de gloire 3 . » En somme, la femme, autrefois triomphante parce que seule à pouvoir procréer, devra devenir l’esclave de l’homme et lui fournir des fils (car le texte biblique ne parle pas de filles). Et au lieu de susciter le désir des hommes (symbole d’un culte sexuel rendu à la déesse), ce sont elles qui désireront les hommes, autrement dit qui seront à la disposition des hommes, lesquels les accepteront ou les refuseront, mais uniquement dans le but de la procréation.
    Il s’agit là d’un tournant considérable de l’histoire des mentalités, et non pas d’une quelconque rivalité – pour ne pas dire guerre – entre deux divinités dont l’une serait féminine et l’autre masculine. En fait, la divinité est la même, éternelle, infinie, ineffable, innommable, incommunicable par des moyens purement rationnels. C’est seulement pour des raisons de compréhension qu’on affuble cette divinité de caractères anthropomorphiques, et donc d’attributs sexuels : l’être humain ne peut percevoir véritablement que ce qui est concret, et il est normal qu’il projette sur une entité divine abstraite des contours familiers à l’univers dans lequel il se trouve plongé. Lorsqu’il considérait la femme comme la seule à posséder le pouvoir de procréation, donc de création, il ne pouvait imaginer la divinité autrement que sous son aspect féminin. Mais à partir du moment où il comprenait le rôle du mâle dans le phénomène de transmission de la vie, il ne pouvait plus accepter la primauté de la femme. Celle-ci, ayant perdu de son mystère et de sa sacralité , se voyait rabaissée au rang subalterne de « mère porteuse » d’une lignée masculine qui, se croyant bafouée depuis les origines, ne pensait qu’à prendre sa revanche. Or, comme les mentalités ne se transforment pas au gré d’une simple décision de l’autorité en place, il est évident que l’humanité fut, pendant des siècles, la proie d’une incessante lutte d’influence entre les tenants de la vision gynécocratique et ceux de la vision androcratique. La Genèse en est le témoignage le plus irrécusable si l’on tient compte de ce que représente réellement le serpent dit « tentateur ».
    Il y a même plus dans le récit mosaïque : « Alors que les religions féminines font que les hommes désirent les femmes qui rendaient ces dernières maîtresses de ceux-là, dans la religion masculine qui s’instaure ici, ce sera la femme dont “les désirs se porteront vers ton mari, et il dominera sur toi”. La femme devient l’esclave de l’homme. » C’est le changement radical : c’est une autre civilisation qui commence où la prédominance sera accordée à l’homme, alors que jusqu’ici elle avait été accordée à la femme. Quant à
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