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La Gloire Et Les Périls

La Gloire Et Les Périls

Titel: La Gloire Et Les Périls
Autoren: Robert Merle
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offre.
    — Ma commère, dis-je d’un ton bref, net et sans
réplique, je te baillerai cinq sols pour te déclore le bec et pas un sol de
plus.
    — Cela me va, Moussu , dit-elle, l’œil brillant
et la voix gourmande.
    Je pris cinq sols dans mon bourseron, les mis sur la table
et posai ma main dessus.
    — Parle, ma commère, dis-je, parle, cornedebœuf !
Et ne me dis que le vrai ! Sans cela, mes Suisses et moi, nous reviendrons
céans ce soir pour te rôtir les pieds et piller tes flacons.
    —  Moussu, dit-elle, nous sommes de fort honnêtes
gens et ne disons jamais que le vrai ! Le plus biau mes de
Saint-Jean-des-Sables est à la marquise de Brézolles, mais je crains que Votre
Seigneurie n’y puisse loger, car la marquise est fort incommodée des canonnades
qu’elle oit le jour et elle craint si fort les déserteurs et les pillards la
nuit qu’elle a décidé de faire ses bagues et de départir pour Nantes où elle a
un ben biau mes aussi, et en ville, à ce que j’ai ouï.
    Ayant dit, la maritorne s’accoisa et à peine ôtai-je ma main
de dessus les cinq sols, qu’elle les rafla. Nous la quittâmes alors sans tant
languir en civilités et voyant dans un coin le fluet compagnon de ses jours, je
m’apensai, à voir sa dolente face, que sa femme avait tiré de ma visite neuf
sols, et lui, un seul. Encore n’était-il pas sûr qu’elle ne lui ferait pas
dégorger sa maigre part après notre département.
    Le biau mes  – et par mes en oc, il faut
entendre maison – était en fait un plaisant château Henri IV en
belles pierres de taille avec des parements de briques autour des portes et des
fenêtres. À la dextre de la grille pendait une cloche, laquelle, sur un œil que
je lui jetai, Nicolas sonna plus d’une minute sans aucune sorte de succès. Je
décidai alors de franchir à la franquette la grille, mais avec le seul Nicolas,
laissant hors Hörner et ses Suisses, pour ce que je craignais que la dame de
céans ne vît en nous une horde de pillards avides de tout forcer, meubles et
filles.
    Nos juments marchant au pas, nous atteignîmes le perron et
là, tout soudain, se dressa devant nous une sorte de maggiordomo portant
épée, mais si chenu et chancelant qu’il avait peine à se porter lui-même. Je
lui dis qui j’étais et soit qu’il fut sourd, soit qu’il eût quelque mal à fixer
son attention, il ne m’écouta guère. Mais en revanche, il m’envisagea des pieds
à la tête avec le plus grand soin.
    Or, pour quérir audience de Sa Majesté à Aytré, j’avais
revêtu ma plus belle vêture et le maggiordomo ne trouva sûrement rien à
redire, ni au panache bicolore de mon chapeau, ni à la collerette en dentelle
de Venise haut relevée derrière ma nuque, ni à mon pourpoint de satin bleu pâle
orné de perles, ni à la poignée ouvragée de mon épée, ni à mes hautes bottes du
cuir le plus fin, et moins encore à la grande croix d’or de l’Ordre du Saint-Esprit
qu’à cette occasion je portais pour faire honneur à celui qui me l’avait
conférée.
    — Messieurs, dit le maggiordomo d’une voix assez
chevrotante, plaise à vous de démonter et de me suivre.
    Un laquais surgit alors qui prit soin de nos montures. Il
était vêtu d’une livrée neuve aux couleurs, à ce que j’augurais, de la marquise
de Brézolles. Je dis « neuve », car c’est justement le neuf qui me
frappa et me fit bon effet, me donnant l’assurance que cette maison-là ne
respirait pas la chicheté de la riche Madame de Candisse, laquelle, comme j’ai
déjà conté dans le précédent tome de ces Mémoires, m’avait reçu à La Flèche à
la fois si mal et si bien.
    Et en effet, le salon où nous conduisit le maggiordomo venait
d’être redécoré en bleu pâle avec de nouvelles chaires à bras et un tapis
persan fort grand et fort beau, le tout témoignant à la fois d’un goût sûr et
d’une bourse bien garnie qui, au rebours de celle de Madame de Candisse,
s’autorisait parfois à se dégarnir.
    Au bout d’un moment, la porte s’ouvrit et une sorte
d’intendante pénétra dans la pièce. Je dis « Intendante » pour ce que
sa vêture tenait le milieu entre le cotillon et le vertugadin : ce qui
paraissait indiquer que, sans être noble, elle était assez élevée dans la
hiérarchie domestique pour se hausser au-dessus du cotillon, mais non toutefois
jusqu’au vertugadin.
    En outre, bien qu’assez chenue elle aussi, son œil était vif
et fureteur et comme il apparut
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