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La Gloire Et Les Périls

La Gloire Et Les Périls

Titel: La Gloire Et Les Périls
Autoren: Robert Merle
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vite, elle jouait fort bien du plat de la
langue.
    — Monsieur, dit-elle, après une révérence des plus
polies, Madame la marquise de Brézolles qui vous a admis céans sur le rapport
du maggiordomo voudrait néanmoins savoir plus précisément vos noms et
vos qualités.
    Je lui récitai les miens, ajoutant que mon écuyer Nicolas,
qu’elle envisageait avec quelque douceur, se nommait Clérac, frère puîné de
Monsieur de Clérac, lequel était capitaine aux mousquetaires du roi, compagnie
à laquelle mon écuyer était promis, lorsqu’il aurait atteint l’âge d’y entrer.
    — Monsieur le Comte, dit Nicolas dès que l’intendante
nous eut quittés, si la dame de céans est aussi chenue que son maggiordomo et que son Intendante, le séjour céans sera, se peut, un peu triste.
    Ce « se peut un peu » n’était pas fortuit, Nicolas
aimant à la fureur, comme du reste le chevalier de La Surie, les giochi di
parole [1] .
    — Peu me chaut, Nicolas, puisqu’ayant fait ses bagues
la marquise est sur son département.
    — Se peut qu’elle change d’avis en vous voyant,
Monsieur le Comte.
    — Ou en te voyant, Nicolas. Se peut aussi que je sois
soulagé de te voir partir chez les mousquetaires du roi, tant ta belle et
fraîche face me porte ombrage auprès des dames.
    — Monsieur le Comte, sauf votre respect, n’est-ce pas
plutôt vous qui me faites de l’ombre, comme il est apparu pendant le siège de
Saint-Martin, quand Marie-Thérèse, n’arrivant pas à choisir entre le maître et
le serviteur, s’est reclose en sa chasteté ?
    — Nenni, nenni, la pauvrette s’est reclose en son
inanition, et quant à nous, comment eussions-nous pu aspirer à ses faveurs, la
faim et la soif nous ayant sinon tués, du moins atténués ?
    Ce « tués » et « atténués » fit sourire
d’aise Nicolas et il allait continuer ces gentillesses, quand l’huis s’ouvrit,
et précédée par son maggiordomo, la marquise de Brézolles apparut, son
vertugadin étant si large qu’elle dut de ses deux mains le soulever, tout en se
mettant de biais pour franchir la porte.
    Je m’avançai alors vers elle en faisant à chaque pas une
révérence, le panache de mon chapeau effleurant le tapis persan, tandis que
Nicolas, à ma dextre, mais une demi-toise en arrière, je ne dirais pas copiait
ses postures sur les miennes, car justement il s’appliquait sur mon ordre à les
exécuter en même temps que moi, dans un ballet bien réglé.
    Belle lectrice, sans vouloir paraître me paonner à vos yeux
de mes talents, surtout quand ils sont mineurs, je ne voudrais pas que vous
pensiez qu’il est facile de faire une belle révérence. Il y faut d’abord de la
grâce et certes elle est plus facile aux dames qu’aux gentilshommes pour la
raison que lorsqu’elles plongent, le vertugadin, s’évasant joliment autour
d’elles comme les corolles d’une fleur, peut masquer, s’il est nécessaire, le
mouvement maladroit des jambes. Néanmoins, même chez les dames, il demande
aussi un apprentissage et surtout un bon aplomb, car elle deviendrait la risée
de toute la Cour si, une fois déployée à terre, elle ne pouvait plus se
relever.
    J’oserais ajouter qu’il y a mille différences dans les
révérences, et qu’aucune, en conséquence, ne ressemble à une autre. On peut,
avec tout le respect du monde, saluer un duc et un prince sans introduire dans
ce salut la moindre expression d’estime et de soumission. C’est de cette façon
que je salue Monsieur [2] , depuis
qu’il a tâché de me faire assassiner. Au rebours, lorsque je me génuflexe
devant le roi ou le cardinal, j’y mets toute l’affection, je dirais même
l’amour, que j’éprouve pour eux. Je salue Madame la duchesse de
Chevreuse – que le roi appelle non sans raison « le
diable » – avec une extrême froideur et elle me rend mon salut avec
la plus visible détestation. En revanche, je salue son époux, Monsieur le duc
de Chevreuse, en toute bonne affection pour ce qu’il est d’un bon naturel et
aussi parce qu’il est mon demi-frère. Affection qu’il me rend, de reste, et
qu’il me témoigne en répondant à mon salut par une forte brassée.
    Par malheur, le duc de Chevreuse ne détient pas la moindre
parcelle d’influence et d’autorité sur la duchesse et ne peut ni réprimer ni
même refréner ses amours, ses machiavéliques intrigues et ses criminels projets
contre le roi.
    Quand, au terme de mon troisième salut, je fus
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