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La France et les étrangers: du milieu du XIXe siècle à nos jours

La France et les étrangers: du milieu du XIXe siècle à nos jours

Titel: La France et les étrangers: du milieu du XIXe siècle à nos jours
Autoren: Christophe Verneuil
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tournant vers le ciel, elle vit les branches dénudées d'un tilleul et, au-delà des branches de l'arbre, un ciel de novembre, gris, bas et menaçant. D'antiques lampadaires de fonte diffusaient une lumière douce, activés par des solénoÔdes ayant pris par erreur ce matin d'hiver pour le début du crépuscule. Au sommet de la colline s'élevait le Massachusetts State House et en bas, la circulation était dense au carrefour de Mount Vernon et Charles Street.
    La charcuterie Bernstein. Mais oui, c'était cela. On était mardi et elle était allée à la charcuterie Bernstein quand... quand quelque chose s'était produit.
    quoi ? que s'était-il passé chez Bernstein ?
    Et o˘ était son sac à provisions ?
    Elle l‚cha la grille, leva les mains et s'essuya les yeux avec ses gants bleus.
    Des gants. Non, pas ceux-là, pas ses propres gants.
    Le myope à la toque russe. Ses gants de cuir noir.
    C'était cela qui l'avait épouvantée.

    Mais pourquoi avait-elle cédé à l'hystérie en les voyant ? qu'avaient-ils de si effrayant ?
    De l'autre côté de la rue, un couple d'un certain ‚ge ne la quittait pas des yeux et elle se demanda ce qu'elle avait bien pu faire pour attirer à ce point leur attention. Malgré tous ses efforts, elle ne se souvenait absolument pas comment elle était arrivée jusqu'ici. Les trois dernières minutes-plus, peut-être-étaient totalement vides.
    Gênée d'être ainsi observée, elle redescendit la rue.
    Au coin de Mount Vernon Street, elle retrouva son sac sur le trottoir.
    qu'est-ce qui m'arrive ?
    quelques paquets étaient à demi sortis du sac, mais aucun n'était déchiré et elle rangea soigneusement le tout.
    Troublée par cette perte soudaine de sang-froid, elle entreprit de rentrer chez elle. Son souffle se transformait en vapeur dans l'air glacé. Après quelques pas, elle fit halte. Hésita. Puis reprit la direction de chez Bernstein.
    Elle s'arrêta devant la charcuterie et dut attendre, une ou deux minutes, que l'homme à la toque et aux lunettes d'écaille en sorte, les bras chargés de provisions.
    Óh, fit-il, surpris. Ecoutez, euh... est-ce que je me suis excusé ? A la façon dont vous êtes partie, je me suis dit que je n'en avais peut-être eu que l'intention, que je n'avais pas vraiment... ª
    Elle regarda sa main droite gantée serrer le sac à
    provisions. Il faisait des gestes de l'autre main pour parler et elle vit cette main dessiner une vague forme dans l'air glacé. Les gants ne lui faisaient pas peur.
    Elle ne pouvait imaginer comment leur vue avait pu la plonger dans une telle panique.
    ´ Tout va bien. Je vous attendais pour vous prier de m'excuser. J'ai été surprise et puis... ce n'est pas un matin comme les autres ª, dit-elle en se détournant rapidement. quelques pas plus loin, elle lança pardessus son epaule: ´ Bonne journee. ª

    Son appartement n'était pas très éloigné, mais le trajet lui fit l'effet d'un formidable périple dans d'immenses étendues d'asphalte.
    qu'est-ce qui m'arrive ?
    La température de novembre ne pouvait expliquer le froid qu'elle ressentait.
    Elle vivait à Beacon Hill, au deuxième étage d'une maison qui en comptait quatre et avait appartenu à un banquier du siècle dernier. Ginger privilégiait la constance et la stabilité-peut-être parce qu'elle avait perdu sa mère quand elle n'avait que douze ans.
    Toujours frissonnante bien que son appartement f˚t bien chauffé, elle rangea les provisions dans l'armoire et le réfrigérateur, puis se rendit dans la salle de bains pour se regarder dans la glace. Elle était très p‚le. Elle n'aimait pas l'air traqué, apeuré de ses yeux.
    Álors, qu'est-ce qui t'arrive, shnook ? Tu t'es conduite comme une vraie meshuggene, permets-moi de te le dire. Complètement farfufket. Mais pourquoi ?
    Hein ? C'est toi le médecin, alors réponds ! Pourquoi ? ª
    Au timbre de sa voix, qui se répercutait en écho sur le haut plafond de la salle de bains, elle comprit que l'affaire était grave. Jacob, son père, Juif par la vertu de ses gènes et de son héritage culturel, fier de sa judéité, n'avait cependant pas été un Juif pratiquant.
    Il n'allait que rarement à la synagogue et célébrait les fêtes juives comme beaucoup de pseudo-chrétiens célèbrent NoÎl et P‚ques: dans un esprit plus laÔc que religieux. Ginger se trouvait encore plus loin de la religion que son père, puisqu'elle se disait agnostique. qui plus est, alors que la judéité de Jacob était intégrale
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