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La France et les étrangers: du milieu du XIXe siècle à nos jours

La France et les étrangers: du milieu du XIXe siècle à nos jours

Titel: La France et les étrangers: du milieu du XIXe siècle à nos jours
Autoren: Christophe Verneuil
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lui manquait parce qu'elle était depuis trente et un ans sa femme et sa meilleure amie. Elle lui manquait parce qu'il l'aimait plus encore aujourd'hui qu'au jour de leur mariage. Et aussi parce que, sans Faye, les nuits lui paraissaient plus longues, plus profondes, plus sombres que jamais.
    Vers deux heures et demie de l'après-midi, il finit de faire les chambres et de changer les draps. Le Tranquility Motel était prêt à accueillir de nouveaux clients. C'était la seule habitation à vingt kilomètres à la ronde, perchée sur une butte au nord de la nationale, étape idéale au milieu des champs de sauge qui cédaient bientôt la place aux prairies herbeuses. Elko était à une cinquantaine de kilomètres à l'est, Battle Mountain à plus de soixante à l'ouest. La ville de Car-lin et le petit village de Beowave étaient un peu plus proches, bien qu'Ernie ne p˚t les apercevoir du motel.
    En fait, même du parking, on ne voyait pas le moindre b‚timent, et il n'y avait probablement aucun motel dans les environs qui mérit‚t mieux son nom que celui-ci.
    Ernie était à la réception et faisait des raccords de peinture, couvrant les égratignures laissées sur le bois du comptoir par les clients au moment o˘ ils remplissent leurs fiches. Le comptoir n'était pas vraiment en mauvais état. Il voulait seulement s'occuper en attendant l'arrivée des clients en fin d'après-midi. C'était cela ou ne cesser de penser que la nuit tombait tôt en novembre. Et alors, quand l'obscurité serait là, il serait aussi nerveux qu'un chat à qui on a attaché une boîte de conserve au bout de la queue.
    La réception du motel était inondée de lumière. Chaque lampe était allumée depuis qu'il avait ouvert, à six heures trente du matin. Une lampe flexible était posée sur le bureau de chêne derrière le comptoir et projetait un rectangle p‚le sur le buvard élimé. Une lan-terne de cuivre était installée à même le sol à côté du meuble de rangement. De l'autre côté du comptoir, il y avait un présentoir avec des cartes postales, une étagère chargée d'une quarantaine de livres de poche, une autre avec des brochures touristiques, une unique machine à sous près de la porte et un canapé beige flanqué de part et d'autre de tables basses supportant de grosses lampes. Une suspension était accrochée au plafond. Une grande baie vitrée occupait la majeure partie du mur de façade du hall. Le motel était orienté
    sud-sud-ouest et, à cette heure du jour, les rayons déclinants du soleil coloraient d'ambre et de miel le mur blanc derrière le canapé, jouant avec le cristal des lampes et se reflétant dans les médaillons de bronze qui ornaient les tables.
    quand Faye était là, Ernie laissait toujours quelques lampes éteintes pour qu'elle n'ait pas à lui dire qu'il gaspillait l'énergie et à les éteindre elle-même-une ampoule éteinte le mettait mal à l'aise-, mais il s'y résolvait pourtant pour ne pas révéler son secret. Faye ne devait pas être au courant de la phobie qui était devenue sienne voilà deux mois; c'était tant mieux, parce qu'il avait honte de cette chose étrange qui lui arrivait et, surtout, parce qu'il ne voulait pas l'inquiéter. Il ne savait pas quelle était la cause de cette peur irrationnelle, mais il était certain d'en venir à bout, tôt ou tard.
    Il refusait de croire que c'était grave. Il n'avait été
    que très rarement malade en cinquante-deux ans. Il était allé une seule fois à l'hôpital, après avoir reçu deux balles dans la cuisse, au Viêt-nam. Il n'y avait jamais eu de malades mentaux dans sa famille et Ernest Eugene Block s'était bien juré de ne pas être le premier à aller se vautrer en pleurnichant sur le divan d'un psychiatre.
    Tout avait commencé en septembre avec un vague malaise qui s'emparait de lui à la tombée de la nuit et ne disparaissait qu'au lever du jour. Vers la mi-octobre, le crépuscule déclencha chez lui une sorte de détresse spirituelle parfaitement inexplicable. Début novembre, la détresse se changea en peur et, au cours des deux dernières semaines l'angoisse se mit à croî-tre jusqu'à ce que ses jours né fussent plus habités que par l'appréhension de la nuit qui ne manquerait pas de tomber. Depuis dix jours, il évitait de sortir après la tombée de la nuit.
    Ernie Block était si grand et fort qu'il était ridicule d'imaginer qu'il p˚t avoir peur de quoi que ce soit. Il mesurait un bon mètre quatre-vingts et
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