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La dottoressa

La dottoressa

Titel: La dottoressa
Autoren: Graham Greene
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réveiller. Là, Andréa lui
déclarait que son frère et lui ne pouvaient rester : ils devaient grimper
en haut du Monte Solaro, la montagne qui surplombe de sa masse Caprile ; mais
de là-haut, ajoutait Andréa, tous deux lui feraient de grands signes de bras. Ils
la quittaient donc et elle les suivait des yeux sur la piazza, puis dans la
ruelle qui monte le long du petit restaurant, et passé la maison où le baron
von Schacht avait rendu l’âme. Avant de disparaître, ils se retournaient et lui
faisaient au revoir de la main. Alors, elle se réveilla.
    Lors de notre première rencontre – après que Norman
Douglas eut fait les présentations : « Le meilleur de mes deux
médecins, mon cher. Elle n’essaie pas de m’empêcher de boire, à la différence
de l’autre » – près de trois années avaient passé depuis la mort du
grand Andréa. Grâce à son immense volonté de vivre, elle avait survécu à la
tragédie, et, parce qu’elle restait capable de travailler et se trouvait au
cœur de la vie d’Anacapri, elle avait pu se remettre, je ne sais combien de
fois, de ses profondes crises de dépression. Assurément, plus rien n’avait la
moindre chance de faire plier cette petite femme au corps trapu, aux grandes
dents (« Vous êtes une vraie descendante d’Attila, Dottoressa ! »),
aux yeux d’un bleu saisissant, à la chevelure drue, électrique, vivante comme
un nœud de serpents qui se battent. Elle était un mouvement perpétuel – dévalant
jusqu’à la Marina Grande ou à la Marina Piccola pour prendre le repas de midi
avec ses pêcheurs, prélevant au passage un petit tribut par-ci par-là, une
laitue à un étal de Caprile, une pomme dans la boutique de fruits sur le chemin
en escalier qui monte à l’église de Capri (elle avait mis au monde le neuvième
enfant de la patrona, aidant celle-ci à échapper du même coup, selon la
loi italienne, à tout impôt sur le revenu), puis remontant à cette maison qu’elle
aimait désormais plus qu’aucun être humain et qui portait le nom de ses deux
Andréa. Elle en était fière, de sa maison, avec son rez-de-chaussée transformé
en entrepôt de rebuts de toutes sortes, boîtes et vieux matelas, et son jardin
démesurément exubérant, où étaient enterrés les chats et le bébé – fière, oui,
même de l’installation de douche improvisée dans sa chambre à coucher, à l’aide
d’un baquet de fer-blanc et d’un bout de corde.
    Puis les coups ont recommencé à pleuvoir – la mort de
tel ou tel ami étant parmi les moins durs. Elle survivait à ses amis aussi
facilement qu’autrefois aux hommes de sa vie.
    Norman Douglas fut le premier à partir. Il m’avait écrit en novembre
1950 – après m’avoir mis en garde contre les dangers des voyages en Orient :
« Gare à la syphilis, un de mes amis, retour de Malaisie, est dans un état
déplorable – moi-même je suis assez sonné. En plus de tous mes autres maux,
voilà que j’ai attrapé de l’érésipèle : pas drôle. Pour peu que je puisse
y ajouter encore une gale babylonienne et un ou deux vers solitaires, il ne
manquerait plus rien au tableau. Il fait sinistre en diable, ici. Je me repose
à la lumière électrique… Pas mal de fièvre pour l’instant. » Il mourut
chez lui chez Kenneth Macpherson, après le long martyre de son incurable
maladie de peau, que ne soulageait même plus aucune visite de jeune garçon. Il
avait choisi la mort par le somnifère à dose massive, et la Dottoressa lui
rendit l’ultime service de signer le permis d’inhumer – la nature de la
mort fut ensevelie par elle aussi secrètement que, jadis, l’enfant de la
malheureuse fille mère dans son jardin. En tant que médecin, elle n’aimait pas
la police, qui était l’ennemie des pauvres, et elle n’avait pas de respect pour
la lettre de la loi. Quand le petit garçon de ma servante fut violé, du fait d’un
jeune homme à la sexualité refoulée par de ces fiançailles interminables chères
aux Latins, elle déposa des vivres pour le criminel dans les rochers du Monte
Solaro où, des jours durant, il se cacha des carabinieri.
    La mort de Norman Douglas, celle du baron von Schacht, la
laissèrent un peu secouée, sans plus ; elle se plaignait plus souvent de
sa solitude, mais elle était capable, vers la fin de là soixantaine, de danser
autour de l’arbre de la piazza, à Caprile, dans une soudaine poussée de gaieté –
et nullement parce qu’elle avait un peu
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