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La dottoressa

La dottoressa

Titel: La dottoressa
Autoren: Graham Greene
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vraiment magnifique, comme il
savait l’être. Et d’un calme, d’un calme… Il m’a dit : « Ne parlons
pas de ce que nous ressentons ; ça, nous le savons. Parlons plutôt de ce
qu’il y a à faire. » Tels furent ses tout premiers mots ou presque. Il me
remit l’argent dont j’avais besoin et je repartis avec, afin de tout payer et
de prendre les dispositions pour l’enterrement. Il y eut un très joli carrosse
noir à quatre chevaux, avec ces absurdes panaches en plumes d’autruche noires, vous
voyez ça ? – tout ce qu’il y a de plus napolitain. Cela faisait tout
un trajet dans Naples, jusqu’au port. Deux des amis d’Andréa, Adinolfi et Mario,
m’avaient accompagnée à mon retour de Capri, pour que je me sente moins seule, et
nous avions pris place dans ce carrosse, derrière le corbillard qui faisait
penser à une grosse soupière noire avec un couvercle tout tarabiscoté. Ils
étaient pleins d’attention, tous les deux vraiment adorables, et dans leurs
yeux je lisais le même étonnement douloureux que dans ceux de Cerio. Ils ne me
tenaient pas, ils me soutenaient. J’étais comme un paquet qu’ils traînaient
avec eux. Je n’ai que deux souvenirs : ces magnifiques chevaux noirs et, dans
ma tête, le visage d’Andréa, que j’imaginais riant de se retrouver dans cette
espèce de monument ambulant tout noir et insensé.
    J’étais incapable de pleurer, ce n’est pas dans mes
habitudes et tout était bien trop atroce. Pas de larmes, non, pas une. Les
larmes viennent quand on laisse aller.
    Au port, on a porté le cercueil à bord et on l’a déposé à l’écart.
L’équipage et nombre d’autres personnes me connaissaient, et même ceux qui ne
me connaissaient pas, les touristes, tous ils sont restés debout en silence, pleins
de respect et de compassion, certains la tête basse et rendant ainsi honneur à
Andréa et à moi. Toute ma vie, j’ai gardé une infinie reconnaissance à ces gens,
et il en est que j’ai été à même de remercier par la suite, mais les inconnus j’aurais
aimé les remercier aussi et je regretterai toujours qu’ils ne l’aient pas su. Quel
silence chez tous ! Qui s’attendrait à pareil spectacle en se rendant à
cet endroit insensé ? Cela m’a permis de suivre le cercueil en ayant un
peu moins l’air de ce pauvre paquet que j’avais l’impression d’être. Je pouvais
mettre un pied devant l’autre, toujours soutenue par mes deux jeunes gens. Dans
ces moments on n’est plus de ce monde, ni d’aucun autre ; on suit
seulement son instinct. Les gens aussi suivaient le leur en se taisant et en
baissant la tête, tels que je les ai vus la seule fois où j’ai regardé avant de
pénétrer dans la cabine qu’on avait préparée.
    À Capri, quand nous sommes arrivés avec le mort, la fille
qui travaillait pour moi à mon cabinet, ma servante, avec quelques-uns de mes
bons amis – tous ils ont pleuré, pleuré, et poussé des cris, tellement que
j’ai soudain mesuré toute la terrible étendue de l’horreur. Jusque-là j’étais
absente, bonne à rien, un paquet comme j’ai dit.
    Comment Seigneur avais-je fait ?… Andréa mort, je n’étais
sortie de l’hôpital qu’afin d’expédier un télégramme à Giulietta pour lui annoncer
la fin et lui dire de venir « immédiatement » ; et sitôt ce
télégramme déposé à la poste, j’ai su : « Non, tout de suite, ce n’est
pas à l’hôpital et près de lui que tu vas retourner, c’est à Capri que tu vas
aller, pour ramener de quoi payer l’enterrement. » J’étais pareille à un
soldat à qui on a commandé : « En avant marche ! Une-deux, une-deux… »
    Cerio m’a dit : « Comment as-tu fait ? Tu es
venue comme ça, seule ? Il n’y avait donc personne ? » Non, personne,
c’était vrai, pas même moi. J’étais partie pour Naples, seule avec lui qui
souffrait le martyre – qui d’autre aurait pu m’accompagner maintenant ?
    Puis Cerio a dit : « Il ne faut pas que tu
retournes seule à Naples. Ces deux-là feront le voyage avec toi. » Je le
savais déjà : les deux jeunes gens m’avaient offert leurs services tout de
suite, dès le cimetière, où j’étais allée voir à quel emplacement reposerait
Andréa.
    Cerio avait prévenu les prêtres que, dans l’esprit d’Andréa,
je ne voulais pas d’un grand enterrement – au contraire, plus simple ce
serait… Il s’est occupé de tout lui-même ; dans un moment pareil, il
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