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La Dernière Année De Marie Dorval

La Dernière Année De Marie Dorval

Titel: La Dernière Année De Marie Dorval
Autoren: Alexandre Dumas
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appointements, dont je nourris sept
personnes, et dont tout ce qui est saisissable est saisi, pour
payer nos anciennes dettes du temps de Marie et de Merle, je
trouvai moyen d’économiser deux cents francs.
    Puis, des pauvres reliques que j’avais
retirées, avec bien de la peine, allez ! du mont-de-piété de
Caen, je fis, en les reportant au mont-de-piété de Paris, une autre
somme de trois cents et quelques francs, qui suffit à acheter à
perpétuité le terrain où était enterré notre petit Georges ;
celui où était enterrée Marie était destiné à devenir la fosse
commune du cimetière.
    Cet argent n’a été réuni que vendredi 13,
l’achat fut fait samedi 14, et voilà comment, mon bon ami, dimanche
15 je me mettais à six heures et demie en route pour le cimetière
Montparnasse, afin de procéder à cette terrible cérémonie de
l’exhumation.
    M. Chapron, conservateur du cimetière,
qui, dans cette circonstance si douloureuse pour nous, a mis tout
ce que l’on peut mettre d’égards, de complaisance et de bonté,
M. Chapron avait déjà fait fouiller la tombe de Marie jusqu’au
cercueil, afin d’abréger un peu la dure épreuve que nous allions
subir.
    Craignant que Caroline ne fût trop
douloureusement impressionnée, je la laissai avec mon frère près de
la tombe de Georges, en lui disant :
    – Reste là, et prie Dieu pour qu’il donne
le repos aux morts et la force aux vivants.
    Je jetai un regard sur la tombe.
    Celle-là aussi était fouillée jusqu’au
cercueil, et notre pauvre petit attendait l’arrivée de sa
grand’mère au milieu de ses rosiers renversés.
    Je m’acheminai donc tout seul vers la tombe de
Marie.
    Là, je trouvai le préposé aux exhumations, une
espèce de commissaire des morts, qui assiste à ces sombres
cérémonies pour constater l’identité des cadavres enlevés.
    Les deux fossoyeurs se tenaient dans la fosse,
les jambes écartées sur la bière, les bras croisés en
attendant.
    Sur le bord était un petit cercueil tout
ouvert, qui paraissait un cercueil d’enfant.
    Je demeurai tout bouleversé, immobile, sentant
mes cheveux frémir et la sueur de l’agonie me perler au front.
    Mes yeux ne pouvaient se détacher de cette
boîte terreuse qui renfermait le bonheur éteint de toute une
famille.
    Les deux fossoyeurs comprirent l’impression
produite sur moi par ce spectacle, et attendirent, sans bouger, que
je fusse un peu remis.
    Quelques minutes me suffirent pour prendre une
apparence de sang-froid, et d’une voix que je m’efforçai de rendre
calme :
    – Allons, leur dis-je.
    Ô maître ! sais-tu à quoi je
pensais ? À ma douleur, d’abord ; puis, au milieu de ma
douleur, j’avais une réminiscence de cet autre maître, le maître à
tous, qu’on appelle Shakspeare.
    N’étais-je pas là comme Hamlet et les deux
fossoyeurs ! et, pauvre comédien, n’étais-je pas autant par ma
douleur, aux regards de Dieu, que ce fils de roi qui interrogeait
sur les mystères de la mort la tête d’Yorick, lequel, au bout du
compte, ne lui était rien ! tandis que ces ossements qui
allaient rouler devant moi, c’étaient ceux de ma chère Marie, de la
mère de ma Caroline, de la grand’mère de mon Georges.
    Ces idées se heurtaient confuses dans mon
esprit, tandis que je regardais ce petit cercueil d’enfant, et que
je me demandais ce qu’il pouvait faire là.
    Les ouvriers de la mort virent ma
préoccupation. L’un d’eux le toucha de la main, me parlant de
l’intérieur de la fosse.
    – Monsieur, me dit-il, vous regardez
cela ?
    – Oui.
    – Et vous vous étonnez que cela soit
petit ? Ah ! mon Dieu, allez, ce sera encore assez grand
pour mettre ce qui reste à cette heure-ci de la pauvre dame que
nous avons si souvent vue pleurer et entendue gémir sur la tombe de
son pauvre petit.
    – Comment ! m’écriai-je, c’est
pour ?…
    Je ne pus achever.
    – Oui, monsieur, et tout tiendra
là-dedans, je vous en réponds. Allez, c’est bien peu de chose que
notre pauvre corps quand depuis six ans il est dans la terre.
    – Mais vous allez donc ouvrir
celui-là ? m’écriai-je.
    Et je montrai le cercueil qui était au fond de
la fosse.
    – Il le faudra bien : le cercueil ne
tient que parce qu’il est en place ; mais nous ne pouvons pas
même essayer de l’enlever, il tomberait en morceaux.
    – Mon Dieu ! mon Dieu !
m’écriai-je en reculant d’un pas, je ne m’attendais pas à cette
épreuve !
    – Oh !
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