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La Dernière Année De Marie Dorval

La Dernière Année De Marie Dorval

Titel: La Dernière Année De Marie Dorval
Autoren: Alexandre Dumas
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monsieur, reprit le
fossoyeur, du courage ! Nous y toucherons avec toutes sortes
de ménagements ; la chère dame ! elle a passé près d’un
an avec nous, elle savait nos noms, et quand nous allions déjeuner,
nous faisions un détour pour passer de son côté, et lui dire
bonjour en passant.
    Elle va être bien heureuse de se trouver
réunie à son petit Georges, nous avons cru un instant qu’elle était
oubliée.
    – Oh !
    – Dame ! monsieur, ne vous fâchez
pas, ceux qui sont sur la terre ont tant d’embarras qu’ils peuvent
bien parfois oublier ceux qui sont dessous.
    Enfin, vous voilà, c’est bien de votre part,
c’est tout ce que nous avons à vous dire.
    Alors ils se sont baissés, ils ont passé leurs
doigts entre le couvercle et les planches verticales formant les
deux côtés ; j’entendis le bois crier, le couvercle céda.
    Mes tempes étaient serrées comme dans un
étau ; je ne voyais plus qu’à travers un brouillard, ou plutôt
je ne voyais pas.
    Les deux fossoyeurs poussèrent un cri
d’étonnement en s’appuyant des deux côtés de la fosse pour
démasquer le cercueil béant, en disant :
    – Voyez.
    Je fis un effort et je vis.
    Elle était tout entière.
    À son aspect je perdis connaissance.
    Un instant après, je revins à moi ;
puisque j’étais là ce n’était point pour m’épargner.
    Tout en essuyant la sueur et les larmes qui
coulaient tout ensemble sur mon visage, je ramenai mes yeux sur le
cercueil.
    Elle y était tout entière !
    – Ah ! monsieur, me dit un des deux
fossoyeurs, la chère dame a dû mourir par accident ; depuis
trente ans que je creuse pour en mettre et pour en ôter, jamais je
n’ai trouvé aucune personne aussi bien conservée. Cette femme-là
devait vivre cent ans, monsieur.
    Pierre, va-t’en chercher une bière
d’enterrement, et pour une grande personne, tu entends ?
    Pierre, qui avait gardé le silence pendant
tout le temps que son compagnon avait parlé, sortit de la fosse et
s’en alla remplir sa commission.
    Je chancelais sur mes jambes : je me
sentais défaillir une seconde fois.
    Je m’assis sur la tombe voisine, de là, je
regardais notre pauvre Marie.
    Mon cher Dumas, imaginez-vous que ses cheveux,
que j’avais rasés, étaient repoussés de deux ou trois pouces, et
qu’elle avait toujours la petite croix d’or que je lui ai attachée
au cou, et son médaillon où sont les cheveux de Georges.
    L’homme revint avec la bière.
    Alors les deux fossoyeurs ont pris notre chère
Marie en lui parlant comme à un être vivant.
    – Allons, pauvre femme, lui disaient-ils,
vous devez être bien contente ; nous allons vous réunir à
votre pauvre petit que vous regrettiez tant.
    Cette fois, vous ne le quitterez plus.
    Alors ils la soulevèrent.
    Dans la secousse qu’ils imprimèrent au cadavre,
il se fit à l’épaule une espèce de gerçure.
    Le fond en était rose, mon ami ; rose
comme dans une chair vivante.
    Après l’avoir placée dans son nouveau
cercueil, ils ont ramassé les débris d’objets différents et les
lambeaux du suaire.
    Puis, pour la seconde fois, j’ai entendu
retentir les coups de l’affreux marteau qui frappe à la porte de
l’éternité.
    Puis ils l’ont mise sur leurs épaules, et nous
sommes partis à travers les petits sentiers fleuris.
    Nous sommes arrivés à la tombe de Georges, ma
femme et mon frère nous y attendaient.
    On y a descendu Marie ; le bruit qu’a
fait la bière de la grand’mère en touchant celle de l’enfant a dû
retentir au ciel comme dans mon cœur, et si froids que la mort les
ait faits, les ossements de ces deux êtres, qui se sont tant aimés,
ont dû tressaillir.
    Quant à nous, nous avons repris le chemin de
la maison, et nous sommes rentrés dans Paris, dont chaque bruit,
chaque parole nous semblait être un blasphème.
    Nous avons fait notre devoir, mon ami.
    Nous ne devons plus rien à la pauvre Marie,
que notre amour et nos prières. Nous y avons laissé le reste de nos
pauvres petits bijoux, et je suis fier de me dire que dans ce
Paris, séjour de toutes les gloires, dans ce Paris peuplé de tant
de grands noms, dans ce Paris riche de tant de millionnaires, ce
n’est qu’en prenant sur l’existence de nos pauvres enfants, que
nous avons pu trouver une somme suffisante à enterrer Marie
Dorval.
    Tout à vous,
    RENÉ LUGUET.
    Au reçu de cette lettre, j’ai écrit à
l’instant même à Luguet.
    Mon pauvre ami,
    Envoyez-moi la liste des objets que
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