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La couronne de feu

La couronne de feu

Titel: La couronne de feu
Autoren: Michel Peyramaure
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tumulte lui fit tourner la tête. Alertés par Berwoit qui avait repris ses esprits, les gardes venaient d’envahir la geôle.
    – Sortez tous ! rugit Berwoit, sinon j’informerai monseigneur Cauchon de votre comportement. Cette fille est sous ma garde et elle a besoin de repos.
    – Soit ! dit sir Humphrey en se relevant, mais si tu souffles un mot de notre visite je ne donnerai pas cher de ta peau !
    Lorsque les gardes eurent repoussé les ivrognes dans l’escalier, Berwoit prit la prisonnière à part :
    – Pardonne-moi, Jeanne, mais je n’ai pas pu t’éviter cette offense. Je crains que sir Richard n’use de représailles, mais je ne regrette rien.
    Il ajouta d’un air jovial :
    – Ces soudards t’ont apporté du dessert. Nous allons lui faire honneur, si tu veux bien. Des fraises, une bouteille de bourgogne... Nous allons boire à ta santé et à ta délivrance.
    – Ma délivrance, dit Jeanne, je l’ai vue de près...
     
    Au moment où l’évêque se retirait de la table, sir Richard l’avait rattrapé.
    – Monseigneur, je me fais l’écho des autorités anglaises pour vous dire que votre procès n’a que trop duré. Vous proclamez que l’acte d’accusation est suffisant pour livrer cette garce au bras séculier et vous allez de réflexions en consultations. Encore heureux que vous ayez renoncé à faire appel au pape ! Tout le monde s’impatiente : le roi, son Conseil, les militaires, la population... On commence à murmurer contre ce que certains n’hésitent pas à appeler complicité de la part de votre tribunal. Seriez-vous tombé sous le charme ? Cette garce vous aurait-elle ensorcelé ?
    – Messire, une telle supposition...
    – ... est exagérée, j’en conviens, mais alors, à quelle échéance fixez-vous sentence ?
    – Avant la fin du mois, messire. Soyez certain que Jeanne n’échappera pas à son sort.
    – Fort bien ! avait dit en riant sir Richard. Je vais demander au bourreau de faire provision de fagots...
     
    Lorsque, pour l’ultime phase du procès, Jeanne vit surgir Pierre Maurice, elle eut un mouvement de surprise : avec ses cheveux ébouriffés autour de la tonsure, son tendre regard bleu, ses lèvres de fille, il semblait émerger de l’adolescence. Debout dans sa robe barrée d’une étole, il tenait quelques feuillets dans ses mains croisées sur sa ceinture.
    L’évêque le présenta à l’assistance comme un jeune religieux d’avenir dans le domaine de la théologie. Très jeune, il avait obtenu un canonicat en la cathédrale de Rouen et nombre de bénéfices s’accumulaient sur son nom. L’année précédente, chargé d’accueillir l’enfant-roi lors de son entrée à Rouen, il l’avait peu après représenté au concile de Bâle.
    La voix de Pierre Maurice était aussi séduisante que son physique : suave, miellée, insinuante dans ses inflexions compatissantes.
    – Jeanne, dit-il, eu égard à votre état de santé, je serai bref en résumant une dernière fois les griefs portés contre vous. Vous pourrez les commenter ou les contredire. Le tribunal ne veut pas votre perte mais vous extraire de vos ténèbres, vous apporter la lumière de la vraie foi...
    Pour lui faire mieux comprendre le danger que lui faisait courir son obstination, il procéda par allégories. Bouche bée, comme absente, Jeanne écouta d’une oreille distraite ces exégèses, ces phrases savantes qui glissaient sur elle comme l’eau sur les plumes d’un oiseau. Seules retenaient son attention la beauté angélique du religieux et sa voix melliflue. Elle sursauta lorsque, posant sa main sur son épaule, il lui dit :
    – Je vous conjure, Jeanne, au nom de la foi qui nous habite, de ne songer qu’à votre salut.
    Elle ne put répondre que ce qu’elle avait répété :
    – Je répète ce que j’ai dit : si je me trouvais sur le bûcher et que les flammes m’enveloppent, je maintiendrais mes déclarations.
    À l’issue de l’audience, maître Beaupère dit à l’oreille de Jeanne :
    – Vous vous êtes mise dans un mauvais pas et vous courez un grand danger. Il faudra vous soumettre, sinon...
    Elle répondit d’une voix sans timbre :
    – Peut-être ferai-je ce que vous attendez de moi. Peut-être...
    Le visage de Beaupère s’illumina d’un sourire.

15
    La Couronne de feu

Rouen, mai 1431
    Elle s’est réveillée au milieu de la nuit, la sueur aux tempes, des frissons par tout le corps : dans son rêve elle s’était vue environnée de flammes et s’était
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