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La couronne dans les ténèbres

La couronne dans les ténèbres

Titel: La couronne dans les ténèbres
Autoren: Paul C. Doherty
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jurons, Burnell n’avait pas cédé. Assis, imperturbable, derrière son grand bureau, il avait tranquillement décompté sur ses doigts blancs et boudinés, couverts de bagues, les raisons pour lesquelles il l’avait choisi : c’était un clerc expérimenté de la Chancellerie, un homme de loi expert assez jeune pour résister aux rigueurs du voyage (n’était-il pas âgé de trente-six ans ?) ; il avait connu la guerre, puisqu’il s’était battu pour le roi Edouard au pays de Galles, et enfin, avait ajouté calmement Burnell, il avait déjà prouvé qu’on pouvait lui confier des missions secrètes et des affaires confidentielles. Corbett avait accepté à contrecoeur et le chancelier lui avait donc donné des lettres d’introduction auprès de la cour d’Écosse et auprès de Benstede, l’envoyé spécial d’Édouard à Edimbourg.
    Corbett cessa d’arpenter la pièce, s’affala sur le tabouret et se pencha sur le petit brasero rougeoyant pour réchauffer ses doigts gourds. Puis avait suivi une étrange requête. Burnell lui avait fait clairement comprendre qu’il devait être son émissaire particulier et non pas celui du roi, qu’il ne devait rendre compte qu’à lui, le chancelier, et surtout pas au roi ni à Benstede, que personne ne devait connaître les vraies raisons de sa présence à Edimbourg et qu’il devait lui écrire directement et utiliser comme messagers les seuls membres de l’escorte qui l’accompagnait en Ecosse. Corbett en avait demandé la raison, mais Burnell l’avait brusquement congédié.
    Corbett reprit la plume et se remit à écrire : «  J’ai fait la connaissance de Benstede qui m’a parlé un peu de ce qui se passe en Ecosse. Le soir du 18 mars, le roi Alexandre III assistait à un banquet avec sa cour au château d’Edimbourg (Benstede lui-même était présent). Il annonça soudain qu’en dépit de la tempête qui faisait rage, il avait l’intention de se rendre au manoir de Kinghorn où l’attendait sa nouvelle reine, la princesse française Yolande. Son caractère emporté lui fit repousser tous les avertissements ; il quitta le palais et chevaucha à bride abattue jusqu’à Dalmeny où il savait trouver un passeur qui le transporterait de l’autre côté du Firth of Forth. Ce passeur, lui aussi, essaya de le dissuader, mais Alexandre ne voulut rien écouter. L’homme fit donc franchir au roi et à ses deux écuyers les trois milles qui les séparaient du bourg d Inverkeithing où le sénéchal l’attendait avec des chevaux. On essaya à nouveau de détourner le roi de son projet téméraire, mais il s’entêta et, suivi de ses écuyers, s’élança dans les ténèbres et la tempête qui faisait rage. Apparemment, les cavaliers se perdirent de vue et le lendemain on retrouva le roi, mort sur le rivage au pied de la falaise, la nuque brisée. »
    Corbett mordilla le bout de sa plume avant de continuer.
    « Bien sûr, certaines questions viennent tout de suite à l’esprit :
    — Pourquoi le roi a-t-il tenu à retourner auprès de son épouse, sachant que par une nuit aussi terrible il allait devoir affronter la traversée dangereuse du Firth of Forth et la non moins périlleuse chevauchée jusqu’à Kinghorn ?
    — Pourquoi cette soudaine hâte et cette faible escorte ?
    — S’il était dévoré de passion pour sa jeune femme, n ‘aurait-il pas pu attendre ? Il avait épousé en premières noces feue la princesse Marguerite, la soeur regrettée de notre bon roi Edouard ; mais celle-ci étant morte en 1275, le roi n’avait épousé sa seconde femme Yolande de Dreux qu’en octobre 1285. Pendant ces dix ans, il avait couru les femmes, sans faire particulièrement montre d’abstinence. Selon la rumeur, il avait coutume, de jour comme de nuit, quand l’envie l’en prenait, de braver tous les temps pour aller courtiser même les femmes mariées, les religieuses, les vierges et les veuves ; il se déguisait quelquefois et se faisait souvent accompagner d’un seul serviteur. C’est ainsi qu’il avait agi la nuit de sa mort. Mais pour quelles raisons ? Ce n’était plus un jeune marié fringant puisque la reine Yolande et lui étaient déjà unis depuis cinq mois ; on dit même qu’elle est enceinte de ses oeuvres.
    — Si le roi se consumait de désir, il y avait certainement des dames de la cour prêtes à l’aider à assouvir ses passions. De fait, lorsqu’il arriva à Inverkeithing, le sénéchal lui aurait dit :
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