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La cote 512

La cote 512

Titel: La cote 512
Autoren: Thierry Bourcy
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regarda le jardin sans le voir. Le soleil qui brillait dehors découpait son corps en ombre chinoise à travers le tissu mince de son peignoir.
    — Jean… C’est monstrueux… Vous allez l’arrêter ?
    — Sous quelle inculpation ? Je vous rappelle que votre mari est considéré comme mort au combat. La jalousie, les sentiments, n’ont rien à faire là-bas, sur le front de l’armée.
    Claire demeura silencieuse, le regard perdu dans le vague, puis se retourna vers Célestin.
    — Alors votre enquête est finie ?
    — Oui. Et vous, qu’allez-vous faire ?
    — Je n’en sais rien… Probablement demander à Jean de quitter la Teisserie, de partir, où il voudra.
    — Il a de la famille quelque part ?
    — Il n’a que moi. Et son frère… Ils m’aimaient tous les deux, mais ils étaient si différents, Paul rayonnant de force, Jean fragile, infirme, l’ombre et la lumière. J’avais choisi la lumière. J’ai aimé Paul de toute mon âme, je l’ai aimé à lui faire peur. Il a tout fait pour conjurer cet amour, m’humiliant de toutes les façons possibles, prenant des maîtresses jusque parmi les ouvrières de la fabrique. Cela n’a rien changé. J’étais prête à tout pour le reconquérir, même à le traiter durement. Le seul qui n’a pas supporté cela, c’est Jean. Mais je ne l’ai pas vu, je ne le regardais même pas ! Quel aveuglement…
    Elle demeura silencieuse. Célestin ne la quittait pas des yeux, essayant d’imaginer quelle serait sa vie désormais. Elle lui tendit une main pâle.
    — Merci, monsieur.
    Le jeune homme s’inclina, effleura maladroitement des lèvres la main de Claire puis sortit, emportant avec lui des effluves capiteux et lourds, et l’ombre d’un regret qu’il n’osait pas s’avouer.
    Célestin prit à pied le chemin du retour. L’après-midi s’avançait, le soleil commençait à baisser et déposait des reflets d’or aux cimes des arbres. Le jeune homme avait compté qu’en marchant d’un bon pas, il serait au Mans avant la nuit. Comme bien des voyageurs en transit, il dormirait sur un banc en attendant le premier train de Paris. Il était à mi-chemin et pouvait déjà voir au loin le clocher d’Arnage lorsque la pétarade d’un moteur se rapprocha. Jean de Mérange avait pris le volant de la grosse voiture. Tête nue, les grosses lunettes qui lui protégeaient les yeux et la grimace qui lui déformait la bouche lui donnaient un air effrayant. Il s’arrêta au niveau de Célestin et lui fit signe de monter à côté de lui. Après une seconde d’hésitation, le jeune policier obéit. La voiture redémarra en direction du Mans.
    — Mission accomplie ? demanda Mérange.
    Les deux hommes devaient hurler pour couvrir
    le bruit du moteur.
    — J’ai tenu ma promesse, oui.
    — Je le sais, Claire m’a tout dit. Elle m’a demandé de partir.
    Il y eut un silence, la voiture s’engagea dans une série de virages qui obligeaient Célestin à se cramponner à la portière.
    — Il y a tout de même une chose que je n’arrive pas à comprendre, c’est votre acharnement. Que s’est-il passé entre mon frère et vous ?
    Célestin l’observa. L’homme était pâle, défait, et cette seule conversation devait lui demander un énorme effort.
    — La guerre, monsieur, se contenta de répondre Louise.
    Mérange se tourna un instant vers le jeune homme, puis, négociant d’une main les courbes de la route, sortit de l’autre un revolver d’ordonnance. Il le pointa vers son passager.
    — Je pourrais vous tuer, mais à quoi bon ?
    Il esquissa un sourire triste, puis retourna l’arme contre lui et se tira une balle dans le crâne. Le choc le projeta contre sa portière, un bras ballant à l’extérieur. La voiture fit une embardée, Célestin parvint à grand-peine à la redresser une première fois, mais elle avait pris trop de vitesse. Elle franchit un fossé, bascula par-dessus un talus et finit sa course contre un arbre, au beau milieu d’un champ. Le moteur cessa de tourner. Célestin, choqué, reprit ses esprits et se pencha vers le conducteur : Jean de Mérange était mort, un filet de sang coulait de sa tempe tout le long de sa joue. Il avait curieusement conservé le revolver au poing. Célestin s’extirpa de la carrosserie et reprit son souffle. Une petite brise du soir agitait les taillis, les oiseaux avaient cessé de chanter, tout était calme, silencieux, apaisant. Le jeune homme s’éloigna à pas lents, regagna la
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