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La Chimère d'or des Borgia

La Chimère d'or des Borgia

Titel: La Chimère d'or des Borgia
Autoren: Juliette Benzoni
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lunettes et chignon serré, engoncée dans d’incroyables tailleurs en forme de cornets de frites (1) . Une véritable affection les unissait mais, à l’entrée de son mari, Lisa tourna vers lui son beau regard couleur de violettes.
    — Alors, ton Américain ? Il ne ressemble pas beaucoup à ceux que l’on voit d’habitude !
    — Ça, tu peux le dire ! Tu ne devineras jamais ce qu’il est venu me demander ?
    — L’émeraude de Néron ?… Les perles de Cléopâtre – celles qui n’ont pas fondu !… La pierre philosophale ?
    — C’est presque ça : la Chimère des Borgia !
    — Cela aurait pu se faire il y a des années mais depuis vingt ans qu’elle repose au fond de l’océan, cela me paraît plus difficile ! dit Guy.
    — Curieux ! fit Lisa. C’est même de la folie pure. Il devrait se trouver un rêve plus accessible.
    — Aussi n’est-ce pas pour lui mais pour la dame de ses pensées.
    — Qui est ?… Si toutefois il te l’a confié ?
    — Lucrezia Torelli, la cantatrice !
    — Ta bête noire ? Celle qui se prend pour Turandot ? Le pauvre ! Il a l’air si gentil ! Tu lui as dit qu’il perdait son temps ?
    — Bien sûr ! Ça ne l’a pas découragé pour autant !
    — Comment cela ? s’étonna Guy. On ne possède aucun moyen de fouiller l’épave du Titanic.
    — Oh, c’est beaucoup plus simple : il veut qu’on la lui copie… en vrai !
    Satisfait de l’effet produit, il s’accorda le loisir de contempler les deux visages sidérés qui lui faisaient face.
    — En admettant qu’on trouve des pierres semblables, cette bagatelle va lui coûter sa fortune !
    — Ça ne semble pas l’inquiéter. Apparemment, elle peut supporter la dépense !
    M. Buteau ôta ses lunettes, prit son mouchoir et les essuya avant d’en rechausser son nez.
    — Ce n’est pas un bijou de femme. D’après les reproductions, je lui trouve même un côté menaçant !
    — C’est un bijou Borgia. Le pape Alexandre VI l’avait commandé pour son fils César dont cette femme se prétend la descendante. En outre, elle jure qu’elle épousera celui qui la lui rapportera !
    — Elle est futée ! commenta Lisa, amusée. Comme elle ne doit rien ignorer du naufrage, c’est une façon comme une autre d’avoir la paix, mais je ne suis pas certaine que l’idée de ton Américain soit si géniale ! Au fait, il s’appelle comment ?
    — Cornélius B. Wishbone !
    — En admettant qu’il réussisse à la faire copier, elle saura tout de suite que ce n’est pas la vraie…
    — Les pierres seront pourtant authentiques !
    — Il se peut alors qu’elle la conserve mais refuse le mariage ! Il se sera ruiné pour rien !
    — Ruiné ? Cela m’étonnerait, mon cœur ! Comme je lui proposai de l’emmener chez Cartier voir ce que M me Toussaint penserait de son projet en précisant que je devais aller à Paris pour la vente, à Drouot, de la collection Van Tilden, il m’a rétorqué qu’il avait l’intention de m’y accompagner – tenez-vous bien, mes enfants ! – pour voir s’il ne trouverait un « petit quelque chose » à acheter pour faire prendre patience à son idole !
    — Mais, fit Guy Buteau d’une voix plaintive, c’est la plus belle collection privée de joyaux de la Renaissance ! Tiens, j’y pense : il y aura même trois des quelque 3 780 bijoux que Lucrèce Borgia, duchesse de Ferrare, a laissés à sa mort !
    — Com… bien ? hoqueta Lisa, suffoquée.
    — 3 780… à deux ou trois près ! La moindre bricole va coûter cher.
    — Je le lui ai dit, reprit Aldo. Ça n’a pas l’air de le troubler !
    — Et il le sort d’où, son argent, ton milliardaire ?
    — Texas ! Des terres à perte de vue avec dessus des milliers de vaches… et quelques puits de pétrole !
    — Tu m’en diras tant ! S’il est aussi riche, il doit être imbuvable !
    — Lui ? C’est un amour ! Je vais l’emmener chez Tante Amélie. Il va la distraire énormément et j’ai hâte de savoir ce que Plan-Crépin en pensera.
    — Et moi, je n’y serai pas ! gémit Lisa. Pendant ce temps-là, je vais continuer à promener la famille Apfelgrüne à travers Venise ! C’est trop injuste !
    — C’est toi qui les as invités, mon cœur ! Et ce soir, chez les Foscari, tu feras encore des ravages avec cette parure qui te rend si irrésistible ! Ce pauvre Apfelgrüne va se demander pour quelle raison obscure il a épousé Hilda !
    — Parce qu’elle est charmante ! Quant à toi, je me méfie toujours quand tu te lances dans les
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