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La bonne guerre

La bonne guerre

Titel: La bonne guerre
Autoren: Studs Terkell
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de réparations
de San Diego [3] .
Intéressant, non ?

Rencontre

Robert Rasmus
    J’ai vécu à peu près vingt ans avant la guerre et
trente-huit après. Pour moi, avant la guerre et après la guerre c’est comme
avant Jésus-Christ et après Jésus-Christ. Ce doit être comme ça pour pas mal de
gens. Parfois, dans le travail, il y a des choses vraiment pénibles, mais
franchement, ça n’a rien de comparable avec ce qu’on peut éprouver quand on
traverse une rivière sous le feu de l’ennemi. (Il rit.)
    Robert Rasmus est un homme d’affaires ; grand, grisonnant,
il est d’un contact agréable et facile. Il travaille près de Chicago, et de
toute évidence il a su conserver sa forme physique.
    J’éprouve l’étrange sensation d’avoir vécu un des drames de
l’humanité. J’avais quatorze ans en septembre 39, quand les Allemands ont
envahi la Pologne. J’entends encore ma mère me dire : « Bob, tu n’y
couperas pas. » Moi, j’espérais qu’elle disait vrai. À cet âge, on ne
pense qu’à la gloriole et on n’imagine pas les horreurs.
    Il est vrai que je n’étais pas dans n’importe quelle corps d’arme,
j’étais dans l’infanterie. On avançait au rythme de la logistique, notre
division était tout le temps au combat. Quand vous vous retrouvez homme de base
d’une section et en première ligne, vous vous demandez vraiment ce que vous
faites là, en plein milieu de cet épouvantable drame mondial. (Il rit.)
    Quand on voyait ça au cinéma, aux actualités, ça nous
paraissait complètement irréel. En plus, à cette époque-là, notre pays n’était
même pas encore entré en guerre. Et du jour au lendemain, vous vous retrouvez
au beau milieu, avec des morts tout autour, et vous avez vraiment la trouille d’y
passer vous aussi. (Il rit.)
    J’avais tout à fait conscience, en tant que combattant, d’avoir
de très grandes chances d’y rester. D’une part, il y avait cette peur animale. Affreuse.
Et d’autre part, il y avait cette impression de vivre une aventure
exceptionnelle. Traverser l’océan, voir les autres armées, c’était excitant de
participer à tout ça.
    J’étais du genre grande asperge efflanquée encore dans les
jupons de sa mère, ce qui n’était pas le cas de tout le monde. Et c’est là que
j’allais devenir un homme. J’allais définitivement me débarrasser du complexe d’infériorité
que j’avais parce que je n’étais pas assez costaud. J’allais leur montrer que j’avais
quelque chose dans le ventre et que je tiendrais le coup comme un homme. Tout
ça se mélangeait : il y avait à la fois le sentiment de représenter le
monde occidental, et puis il y avait Bobby Rasmus, le gringalet de dix-neuf ans,
qui devait prouver qu’il était à la hauteur. (Il rit.)
    Je me souviens de ma mère quand j’ai eu mes trente jours de
permission. Elle pleurait tout le temps et me disait : « Bob, il faut
que tu dises à ton capitaine que tu es trop grand pour être dans une section de
combat. » (Il rit.) Et le seul moyen de la calmer, c’était de lui
répondre : « Je lui dirai, maman. » Ce que je n’ai jamais fait, bien
sûr.
    J’étais au camp d’entraînement de Fort Benning, en Géorgie. Si
on tombait malade et qu’on manquait plus d’une semaine d’entraînement, on
devait quitter le bataillon. J’ai attrapé la grippe, et j’ai passé huit jours
au lit. Alors, il a fallu que je quitte mon unité, celle où il y avait tous mes
copains. J’étais effondré.
    Le groupe dont je faisais partie au départ a rejoint la 106 e division, et ils ont tous fini dans la bataille des Ardennes. Je me souviens des
lettres que j’envoyais aux copains et qui me revenaient avec : « Disparu »,
« Mort au combat ». Tout ça, c’étaient des gars de dix-huit ans. Et c’est
seulement à cause d’une grippe que je n’étais pas avec eux.
    Quand j’ai été appelé, je n’étais jamais allé plus loin que
le Wisconsin, l’Indiana et le Michigan. Alors quand je me suis réveillé le
lendemain de mon départ dans le train régimentaire à Fulton dans le Kentucky, pour
moi c’était comme Tombouctou. Évidemment l’Europe m’a complètement épaté :
les châteaux, les cathédrales, les Alpes. J’étais émerveillé. Bien sûr, ce qui
me préoccupait surtout c’était de sauver ma peau et de faire mon boulot
correctement, mais en fait, j’avais toujours un regard pour ce qui m’entourait
et j’étais complètement fasciné par
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