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La bonne guerre

La bonne guerre

Titel: La bonne guerre
Autoren: Studs Terkell
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la beauté des forêts allemandes et par les clochers
médiévaux. À dix-neuf ans, on découvre le monde.
    J’ai entendu pour la première fois de ma vie l’accent de
Nouvelle-Angleterre à Fort Benning. C’est là aussi que j’ai vu des gens du Sud,
et pour moi c’était carrément exotique. Il y avait des fermiers, des dandies
new-yorkais, un mélange incroyable de toutes les couches de la société. Et c’est
vraiment à cet âge-là qu’on a le plus besoin d’amitié. On est encore un certain
nombre à se revoir et il reste une espèce de connivence entre nous.
    Ce n’est pas par patriotisme ou par bravoure qu’on a
débarqué comme un seul homme sur les plages de France, mais tout simplement
parce qu’on ne pouvait pas laisser tomber les copains. D’avoir à quitter ce
groupe quand j’ai attrapé la grippe, c’est sans doute ce qui m’a sauvé la vie, mais
pour le gosse que j’étais ç’a été une catastrophe.
    Dans Abattoir 5 ou la Croisade des enfants, Kurt
Vonnegut raconte le bombardement de Dresde et du train de prisonniers
américains. Il se trouve qu’il y avait plein de copains à moi dans ce train. Et
ça ne fait que trois jours que je le sais. L’autre jour, dans la rue, un type
de mon âge, aux cheveux blancs comme moi, m’a abordé en me disant :
« Vous ne seriez pas Bob Rasmus par hasard ? » Je lui ai répondu :
« Et vous, vous ne seriez pas Red Prendergast ? » Il faisait
partie du groupe qui a rejoint la 106 e division, ceux qui ont été
emmenés en Allemagne. Il était dans le train qui s’est fait bombarder. On avait
vécu ensemble cinq mois environ, il y a trente-neuf ans, et on ne s’était
jamais revus depuis.
    Je n’ai combattu que six semaines, mais je me souviens de
chaque heure et de chaque minute de ces quarante deux jours. C’est dans le port
de Boston qu’on a vraiment eu la première preuve tangible de la guerre. Amarré
à côté de notre transport de troupes, il y avait un croiseur australien dont l’avant
était tout déchiqueté. Ça donnait la mesure de ce qui nous attendait. On
faisait les fanfarons, on en rajoutait.
    Pour nous qui avions grandi pendant les années trente, la
France c’était les petites Françaises avec leur caniche, des gens frivoles en
quelque sorte. Alors quand on a vu ces solides paysans derrière leur charrue on
a été surpris. La région où on était cantonnés n’avait pas encore été touchée
par la guerre. J’ai été surpris par la beauté des paysages, des petits villages,
des églises. C’était comme dans les tableaux des impressionnistes.
    Je me souviens des villes belges qu’on a traversées pour
rejoindre le front : Liège, Namur. On s’accrochait aux portières des
trains ou on montait sur les toits et on jetait aux gosses tous les bonbons de
nos rations K. La victoire était dans l’air. Ils avaient déjà été libérés et
ils exultaient.
    Et puis d’un seul coup le ton a changé quand on est descendus
du train à la frontière, dans ce coin d’Allemagne près de la Hollande. On était
à côté d’Aix-la-Chapelle, qui avait été entièrement détruite par les
bombardements alliés. Des ruines, rien que des ruines. La vieille ville n’était
plus qu’un tas de ruines. Pendant quarante-huit heures on n’avait connu que la
joie d’appartenir à une armée victorieuse, mais là c’était fini. Le front était
à quelques kilomètres. À la descente du train on nous a entassés dans des
camions et on entendait déjà les combats au loin.
    Tout le monde s’est vite calmé. Au bout de quelques
kilomètres, on a atteint une autre ville, Düren : entièrement rasée. Ç’a
été une des villes les plus bombardées d’Allemagne. À partir de là on a
continué à pied.
    On nous dirigeait vers ce qui s’appelait un front calme. Notre
division stationnait sur la rive ouest du Rhin, au sud de Cologne. En fait, on
venait relever la 8 e division. On s’est installés dans les mêmes
trous d’homme. On savait qu’on n’était vraiment pas loin, et ça restait un peu
excitant. Personne ne s’était encore fait tuer. Moi, ce qui m’intéressait, c’était
l’architecture. J’apercevais la cathédrale de Cologne dans le lointain avec ses
deux tours.
    On dormait dans des bâtiments qui avaient été bombardés, c’était
presque surréaliste : imaginez un immeuble de quatre étages vu en coupe, avec
toutes les pièces de devant ouvertes à tous vents et l’arrière intact.
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