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Journal Extime

Journal Extime

Titel: Journal Extime
Autoren: Michel Tournier
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contraire, la chair échappe à l’esprit sous forme de bourrelets, de bajoues, de boudins. Ce n’est plus l’épanouissement de la fleur, c’est le pourrissement du fruit trop mûr.
     
    Les maladies sont d’essence soit quantitative, soit qualitative.
    Quantitative : c’est l’hyper ou l’hypo. Par exemple la tension artérielle, le rythme cardiaque, les composantes du sang, etc. Conception gréco-latine de la santé, conçue comme un équilibre, une harmonie, une « égalité » d’humeur.
    Qualitative : c’est la présence d’un corps étranger pathogène qu’il s’agit d’expulser, poison, microbe, bactérie, etc. Conception judéo-chrétienne qui culmine dans la « possession » du malade par un démon. Le remède est son expulsion par l’exorcisme. Pasteur s’inscrivait très exactement dans cette tradition religieuse.
     
    « Avoir le cœur gros ». J’aime cette locution qui laisse entendre que le chagrin n’est pas un manque, mais un plein au contraire, un trop-plein qui déborde de souvenirs, d’émotions et de larmes.
     
    J’apprends que J.S. Bach a introduit l’usage du pouce chez les clavecinistes et les pianistes. Avant lui on ne jouait qu’avec quatre doigts.
     
    L’informaticien regarde sur un écran le fonctionnement de son propre cerveau. Ordinateur = miroir. Alors que l’écran de la télévision reflète le monde extérieur.
     
    Visite de Tatiana Rouzeaud avec son mari. C’est la petite-fille de Raspoutine. Elle m’avait écrit en 1970 lors de la parution du Roi des Aulnes qui est dédié à la mémoire de Raspoutine. Elle est née en 1920 à Vladivostok alors que ses parents cherchaient à fuir la Russie en plein chaos. Sa mère s’est fixée aux USA. Son mari est cheminot en retraite. Ils ont des enfants. Ils ne possèdent aucun souvenir du staretz. Je lui raconte que chez Plon où j’avais un bureau j’avais parfois la visite du prince Ioussoupov qui avait publié ses mémoires dans la maison. Il aurait pu les intituler Comment j’ai assassiné Raspoutine. L’antipathie du personnage me poussa à approfondir le cas Raspoutine et à m’apercevoir qu’il avait combattu pour sauver la paix en 1914 et avait été éliminé par le parti de la guerre. Son rôle « phorique » vis-à-vis du tsarévitch malade me conduisit à en faire l’une des figures tutélaires du roman.
     
    Mon père, Alphonse, est né le 11 décembre 1890 et mort le 14 mai 1966, soit soixante-quinze ans, cinq mois et trois jours plus tard. Étant né moi-même le 19 décembre 1924, j’ai dépassé sa durée de vie le 22 mai 2000.
     
    Travaillant à un roman, je traite mon cerveau comme un chien. Écrivant Éléazar, je lui mets Moïse sous le museau, et je lui dis : « Cherche, cherche ! Trouve Moïse ! » Au bout de six mois il me rapporte Moïse. Ça s’appelle « la source et le buisson ». Plus tard je lui mets un cobra sous le nez et je lui dis : « Cherche, cherche le secret du serpent ! » Deux mois plus tard, il me rapporte la paupière, chiffre du serpent.
     
    À la TV un éleveur de moutons explique qu’il adore la lecture et a rempli sa bergerie de bouquins. Mais il est demeuré un autodidacte. Entre l’autodidacte et celui qui a fait des études normales, il pose la différence suivante : l’autodidacte n’a appris que ce qu’il aimait. Sa culture est limitée par sa propre personnalité. Au contraire celui qui a fait des études régulières est obligé de tout apprendre. Son avantage est énorme parce qu’il n’y a rien de plus enrichissant que de devoir acquérir des connaissances qui vous sont a priori indifférentes, voire antipathiques.
    Le propos est d’une justesse surprenante. Je me reproche amèrement d’avoir « fait l’impasse » au collège sur les mathématiques et la physique que je détestais. Elles m’auraient immensément enrichi. À l’inverse mes années d’Europe n° 1 (1954-1958) dans ce milieu de publicistes et de journalistes dont tout me séparait m’ont fait un bien inappréciable. De même ce sont les sports pour lesquels on est le moins doué qui sont les plus hygiéniques.
     
    Marcel Jouhandeau : J’aime mes ennemis. Ils me lèchent les flancs avec leur langue râpeuse. C’est délicieux.
     
    Pour peu de temps encore, je suis sexagénaire, c’est-à-dire que j’appartiens à l’âge du sexe. Bientôt je vais être septuagénaire entrant ainsi dans l’âge du sceptre. Seules les jeunes portées
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