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Journal Extime

Journal Extime

Titel: Journal Extime
Autoren: Michel Tournier
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hauts-reliefs de ses piliers, ni l’arc du Carrousel de son quadrige. Tandis que l’arche de la Défense se montre tout à fait anti-sculpturale.
     
    Échographie cardiaque à l’hôpital de Bligny. Examen anodin n’était le vilain bruit de chasse d’eau que l’appareil fait entendre comme étant le bruit de mon cœur. L’examen révèle une nette hypertrophie.
    Je trouve cela plutôt flatteur. Un cœur gros comme ça ! Et puis, n’est-ce pas, il y a deux morts : la mort sale par le cancer et la mort propre par le cœur. Il me plaît d’être apparemment promis à la mort propre.
     
    Bourrasque d’une rare violence. Les toits des maisons s’envolent. Les arbres se couchent sur les routes. Nous sommes privés d’électricité. Les trois pins maritimes qui bordent le mur de la rue sont gravement malmenés. Il faudra me résoudre à les faire couper. Je les remplacerai par des bouleaux. Le très vieux églantier qui poussait contre la margelle du puits a été également arraché. C’était le dernier de mon jardin, sans doute un rosier revenu à l’état sauvage. Je regrette cet arbuste essentiel aux fleurs d’une finesse exquise et aux fruits appelés cynorrhodons (roses de chien) ou plus populairement gratte-cul en raison du poil à gratter qu’on en extrait (en allemand Hagebutte ). On peut en faire de la soupe ou de la confiture. Mais ma toiture que j’inspecte n’a pas une blessure.
    Dès le lendemain une équipe d’élagueurs vient amputer l’un de mes pins de branches tordues qui menacent la rue et les fils du téléphone. Beauté des bûches roses et parfumées, d’une densité parfaite, je veux dire ni trop lourdes – comme le serait un objet de ce volume en pierre ou en métal –, ni trop légères – comme le serait du bois mort et sec. Curieux concept que celui de poids parfait qui mêle la quantité et la qualité.
     
    Je montre à un tapissier la moquette de mon grenier qui est décolorée à l’abord de la lucarne. « Ce sont des frappures de lune », me dit-il. Et il m’explique que la lumière de la pleine lune a pour effet de faire tourner les tapis à un gris qui s’apparente à un écran de télévision éteint. Je juge cela un peu trop beau pour être croyable.
    Une jeune femme marocaine m’apporte le manuscrit d’une thèse qu’elle vient d’écrire et une photo représentant deux bébés, Ismaïl et Mohcine Essaouri. Sujet de la thèse : le thème de la gémellité dans l’œuvre de Michel Tournier. « Je faisais cette thèse, me raconte-t-elle, quand je me suis trouvée enceinte. J’achève mon manuscrit et j’accouche de ces deux jumeaux. »
    Je lui ai juré que je n’étais pour rien dans cette naissance double.
    Elle me raconte aussi que, dans les villes marocaines du Sud où les femmes sont claquemurées chez elles par la tradition, elles communiquent entre elles par la couleur et la nature du linge qu’elles mettent à sécher aux fenêtres et sur les terrasses. C’est un code secret auquel les hommes n’entendent rien.
     
    Idée de roman. Titre : Oh maman ! Un adolescent pleure sa mère qui vient de mourir et évoque leur vie commune. Mais peu à peu et par des détails insolites, on s’aperçoit que cette mère était un homme. En réalité la vraie mère avait plaqué son amant en lui laissant leur enfant. L’amant – devenu fils-père – avait assumé le rôle de mère de l’enfant. L’enfant l’appelle alternativement papa ou maman selon le rôle qu’il assume. Je retrouve ainsi le thème de la post-face de Philippe de Monès à mon Roi des Aulnes  : « la vocation maternelle de l’homme ».
     
    J’organise une « caviar-party » pour les enfants du village. Je veux qu’ils aient une idée de ce « mets » aussi célèbre que rare en raison de son prix. Certains enfants révulsés vont le cracher sur l’évier. D’autres se régalent.
    À la fin de sa vie, ma mère ne mangeait presque plus rien. De temps en temps je lui en achetais un petit pot. Un jour distraitement elle retourne le pot et découvre le prix qui y était inscrit. Comme elle était de nature plutôt économe, je m’attends à ce quelle pousse des cris. Pas du tout : « J’aurais cru ça plus cher » , dit-elle. Je me souviens alors quelle n’a jamais réalisé le passage des anciens francs aux nouveaux. Évidemment avec deux zéros de moins, ce n’était pas ruineux.
     
    Il y a trente ans, j’avais planté deux petits sapins à quelques
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