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Journal Extime

Journal Extime

Titel: Journal Extime
Autoren: Michel Tournier
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de la France. Il ne la connaît que par Internet. C’est un amour virtuel, un chagrin d’amour purement électronique !
     
    Entendu à la radio une émission sur les chevaux de boucherie. Il y avait il y a encore cinquante ans des millions de chevaux en France. Quand ils avaient fini leur carrière de bêtes de trait, on les envoyait à la boucherie et on en faisait une viande de basse qualité. Mais il y avait des chevaux sélectionnés et élevés spécialement pour la boucherie. Un cheval non encore sevré s’appelait un laiton. Un jeune cheval nourri exclusivement à l’avoine s’appelait un poulain de grain.
     
    Cocteau : Dès qu’un poète se réveille, il est idiot. Je veux dire intelligent.
    Je préfère l’esthétique de Paul Valéry, diamétralement opposée. Pour lui l’œuvre poétique est le fruit d’un travail acharné de l’intelligence.
     
    À la suite d’une interview que je donne à la télévision sur le « coup de foudre », Guy Béart m’écrit : Le grand amour, c’est quand on reconnaît quelqu’un qu’on n’a jamais vu. Pour les chansons, c’est pareil : quand elles nous touchent, c’est qu’il y a retrouvailles.
     
    En voyage, j’observe toujours avec fascination certaines maisons inconnues. C’est qu’une maison contient toujours un programme de vie – heureuse ou malheureuse. C’est une possibilité et par là même une invitation. Pourquoi ne pas vivre là ? Toute maison est hantée par un passé obscur et un avenir radieux – ou l’inverse.
     
    Goethe fait chanter Mignon : Connais-tu le pays où fleurit l’oranger ? Or le texte allemand ne parle pas d’oranger, mais de citronnier. (Kennst du das Land wo die Zitronen blühn ?) Curieusement le citron possède en français une connotation pénible que l’allemand ignore. Jadis les journalistes donnaient aux vedettes de l’actualité un « prix Orange » et un « prix Citron » selon qu’ils les trouvaient agréables ou désagréables à rencontrer.
     
    Une idée pour le paradis : après ma mort, je suis placé devant un panorama où toute ma vie est étalée dans ses moindres épisodes. Libre à moi de choisir celui-ci ou celui-là, et de le revivre, mais au second degré, c’est-à-dire avec un certain recul, à la fois comme acteur et comme spectateur. C’est que je suis dévoré de nostalgie et de regret en me souvenant de scènes de ma vie auxquelles je n’ai pas accordé l’attention qu’elles méritaient. Hantise du théâtre qui permet de « reprendre » en mieux telle ou telle scène.
     
    Question : quelle est l’origine de votre vocation littéraire ? Eh bien voilà ! Le mardi 14 octobre 1924, ma jeune maman, férue de festivités et de littérature, assista aux funérailles nationales d’Anatole France. Je devais naître le 19 décembre. J’étais donc là, âgé de moins deux mois. Je n’ai rien vu, mais je n’ai pas manqué un discours ni un hymne et je m’en suis trouvé marqué dans ma tendre chair fœtale…
     
    En voyage, je me sépare rarement d’une paire de jumelles, petite manie où entrent du voyeurisme et ma curiosité professionnelle de romancier. Or je constate qu’un compagnon auquel je prête mon instrument doit toujours pour l’utiliser rapprocher les deux lorgnettes. J’en conclus que mes yeux sont exceptionnellement écartés, détail bestial auquel je dois sans doute une partie de ma laideur.
     
    On fait grand bruit autour du tableau de Courbet L’Origine du monde, exposé au musée d’Orsay. C’est un cas très rare d’une vision antérieure des fesses. Les fesses vues par devant. Il y a de cela – mais infiniment plus discret – dans L’Amour vainqueur du Caravage.
     
    Melbourne, 24 janvier 2002. Championnats du monde de tennis. La télévision nous montre le joueur français Michaël Llodra qui s’agenouille sur le court et joint les mains devant le cadavre d’une hirondelle que sa balle vient de tuer en plein vol.
    Souvenir de Melbourne. Le chanteur et guitariste gitan Manitas de Plata joue devant un vaste public, lequel reste de glace. Manitas ne peut supporter ce manque de communion et la soirée risque de tourner court. Mais il avise dans l’allée centrale de la salle un fauteuil roulant où se recroqueville une jeune fille. Il quitte la scène, descend dans la salle et s’approche du fauteuil. Il pose le pied sur la marche du fauteuil et, incliné vers la jeune fille, se met à jouer et à chanter pour elle seule.
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